Adaptant une des œuvres les plus conséquentes et importantes de l'histoire, Sokourov avait tout en mains pour nous faire peur. Amateur de classicisme, d'art romantique et de musique du vingtième siècle. Au final, Faust est-il un bon choix ? Que reste-il de ce monstre ? Bien plus que l’œuvre elle-même. Au delà de massivement adapter en allemand des dialogues voire des monologues filandreux, Sokourov rend le projet dense (même TRES DENSE) dynamique et symptomatique. Il expose à lui seul, en quelques 2h25 de combats diaboliques d'images, des instants de ce XIXème siècle. réadaptation donc, et pas que : Alexandre enchaîne les bonnes idées de mises en scène, parfois à surcharge, et crée une sorte de film zombie très efficace. C'est un film mort-vivant. Les cadavres blancs et verts qui s'amassent près des rivières, perdus, les corbillards, cet enterrement dérangé par l'arrivée de chiens renifleurs, tout est étouffant et ancré dans une sensualité mortifère. Il se pourrait que Faust ait dormi avec le cadavre de cette jeune femme vouée à la prison (que l'on entend parler comme un fantôme à la fin du film) et soit maudit à ce monde noir et délaissé de toute approche passionnée. Les rares esthètes du film sont ce personnage de Wagner (qui dans une très belle scène nous découvre son prototype d'homme fabriqué "Homonculus"). Les autres, ainsi que Méphisto (une interprétation géniale d'ailleurs) sont des corps galbés et boursouflés, anti-humains et laids qui affichent des mimiques dont seul le réa russe à le secret.
Cet ultime voyage philosophique et bavard est une expérience hallucinante, percée de toute part par des séquences magnifiques (dont la pause poétique sur la visage idyllique de la jeune blonde), tout cela peut déstabiliser, l'entreprise es pourtant pleine ressources et jamais en fatigue. Il faut souligner le format carré, cette caméra libertine qui va se coller aux visages, ces musiques splendides et ce travail colorimétrique, de matière, de textures (costumes, visages, décors) tout est d'une grande richesse. Tout respire le classicisme et proutant le film vit aujourd'hui, il arrive à insuffler le dialogue avec nous et les grandes peurs qui nous habitent, notamment sur le pouvoir, qui, dans cet opus, pourrait sembler mineur, mais est, en comparaison avec les autres œuvres de la tétralogie, la plus subtile et le plus intéressant.