Que l'on aime ou que l'on aime pas Sokourov, il faut reconnaitre qu'il a un style unique et que son Faust ne laisse pas indifférent. Librement adapté de Goethe, ce Faust cinématographique joue avec son modèle littéraire pour nous entrainer petit à petit dans une descente aux enfers. Sokourov a bien réussi à ré adapter le mythe avec son propre style, tout en se nourrissant de sa substantifique moelle. Exit le thème de le jeunesse éternelle, c'est plutôt la connaissance éternelle que vise ce Faust. D'abord pour tenter de comprendre comment cet étrange usurier a survécu au poison, jusqu'à la fascination pour des geysers. Je trouve que nous avons là une belle métaphore d'un Faust-Prométhée, qui cherche à devenir un dieu grâce à la connaissance, mais sera rattrapé par le diable. Ce diable est également très intéressant. Le Méphistotélès de Sokourov devient un usurier atypique et sale, qui utilisera la psychologie plutôt que les pouvoirs surnaturels. Pour illustrer cette descente aux enfers, Sokourov propose un gros travail sur l'image, au point que le film devient une expérience sensorielle. Corps en putréfaction, laideur des personnages, musique énervante, ... Il y a beaucoup de plans "tordus", c'est à dire qu'ils ne sont pas cadrés académiquement, ils sont comme inclinés. Je comprends bien l'idée de nous symboliser la vision infernale du personnage, mais je trouve que le cinéaste insiste un peu trop là dessus, au point de nous faire sortir du film. De même, la surabondance de dialogues (pas toujours très pertinents) ne rend pas service à Faust. Il y a cependant des très belles scènes, où la lumière semble jaillir des profondeurs, comme lors de l'apparition de Marguerite. Il y a pas mal de plans qui peuvent être apparentés à des tableaux. Ce contraste est intéressant mais reste assez brouillon au final. En tout cas, il commence véritablement à prendre sens, selon moi, à partir de la signature du pacte. Nous avons alors un dernier acte très très intéressant. Mais avant d'arriver là, il faut faire pas mal d'efforts.
Sokourov a réussi à adapter Faust en s'affranchissant de Goethe. Malheureusement il n'a pas réussi, selon moi, à maitriser le potentiel visuel de son adaptation, la faute à une mise en scène peut être pas assez ordonnée, et à un usage superflu de dialogues. Finalement, le spectateur a tellement souffert avec la vision des cadavres qu'il ne parvient plus à s'émouvoir devant les geysers...