Et voilà un autre film magnifique dans la parfaite lignée de ce qui se fait de plus beau en ce moment. Les réalisateurs, les scénaristes, semblent beaucoup cogiter dernièrement pour nous offrir de beaux films. Et comme par hasard, le film a souffert d'une sortie exécrable dans les salles françaises avec seulement 15 copies... Another Earth est présenté comme un film de science-fiction mais est en réalité un joli drame sur le deuil et la culpabilité. J'ai absolument adoré les deux aspects du film. Même si certains ont jugé que l'histoire de science-fiction n'avait aucun intérêt, j'ai au contraire trouvé cette idée parfaitement originale, elle amène à la réflexion et nous fait poser des questions passionnantes. L'idée d'une deuxième Terre qui s'approcherait de la nôtre, parfaitement identique et sur laquelle se trouveraient nos "doubles" est déjà remue-méninges et toutes les questions qui tournent autour sont savoureuses. Le film, en plus, ne tombe pas dans la psychologie à deux balles, il apporte une vraie réflexion sur l'Homme et sa place dans l'Univers, à travers notamment l'allégorie de la caverne ou les connaissances de l'Homme sur sa condition. Le film rappelle subtilement que nous sommes peut-être aussi ignorants vis-à-vis de l'Univers que nous l'étions pour la Terre quand nous la pensions plate. Il montre aussi que l'être humain tend à tomber dans les mêmes pièges que précédemment. Tout comme l'Homme ignorant pensait que la Terre était au centre de l'Univers, l'Homme actuel nomme toute naturellement sa planète "Terre 1" et l'autre planète "Terre 2". En plus de ce sujet déjà riche, Another Earth superpose une histoire dramatique dont je ne vais pas révéler les ficelles mais qui m'ont embarqué dans une certain émotion. Difficile en effet de ne pas s'apitoyer sur le sort chacun des deux personnages, liés par un événement terrible qui leur ont fait perdre goût à la vie. William Mapother qui m'avait plutôt bluffé dans Lost déjà (flippant dans le rôle d'Ethan) est tellement impressionnant dans la peau de son personnage. De même pour Brit Marling que je découvre tout juste mais qui livre une interprétation juste et touchante, toute en retenue. On sent réellement derrière ses yeux la souffrance de son personnage Rhoda et l'atrocité de la situation qu'elle vit et qu'elle fait également subir à John contre son gré. La fin du film est vraiment parfaite, les deux protagonistes étant frissonnants et émouvants, tandis que le dénouement final est d'une pure beauté et d'une rare intelligence. La cohérence de cette dernière scène est tout simplement géniale et on se rend d'ailleurs compte que si Rhoda n'avait pas fait ce choix envers John à la fin du film, elle se serait tout simplement croisée. Cette fin offre également un fim qui laisse travailler notre imagination, en restant dans la discrétion et le non-dit. Pour certains, le film ne va pas au bout des choses et s'arrête là où il aurait dû commencer. Ces personnes doivent faire partie des gens qui ont été déçus de ne pas voir un réel film de science-fiction et qui s'attendaient à ce que tout soit très explicite. Personnellement, je suis ravi de la façon dont le sujet a été traité et je pense que si le scénariste avait poussé les choses plus loin, on aurait été déçus. Ici, pas de grandiose, pas de spectaculaire, le film est intimiste et psychologique et c'est d'ailleurs une tendance cinématographique très en vogue avec des films comme Perfect Sense, Melancholia ou Take Shelter. Moi je savoure. Bref, en plus de ça le film est franchement beau au niveau de l'image, certaines scènes étant brillantes et vraiment magnifiques à regarder. J'ai cependant deux critiques : une sur la forme et une sur le fond. Premièrement, le réalisateur use et abuse du zoom rapide en début de plan et de dézoom rapide en fin de plan, ainsi que de divers effets de caméra du style flou/net. Ca pourrait donner un style mais au bout de trois dézooms ça m'a vraiment agacé. Il n'y avait pas besoin de ça pour crédibiliser son histoire, ce n'était vraiment pas nécessaire et c'est même carrément de trop. Le film aurait mérité des effets de caméra plus doux. Deuxièmement, il y a un point du scénario que j'ai détesté : la pseudo-histoire d'amour. Quand elle est apparue, j'ai vraiment râlé. Cette relation est totalement inutile en plus d'être incohérente par rapport au reste du film. Je n'ai vraiment pas aimé cette tournure des choses, mais c'est très rapidement abordé et on ne s'y attarde pas donc ça va. Pour conclure, Another Earth est un très beau film qui fait réfléchir et, si on se laisse porter par sa poésie, est franchement plus qu'agréable.