« Film électrique », « bouleversant », « parfait dans sa narration »... Personnellement je me réjouis de savoir que des gens soient capables de prononcer, voire d'écrire carrément, de tels mots pour parler de cette "séparation". Pourquoi ? Tout simplement parce que je ne vois que deux explications possibles à cela : soit c'est le premier film qu'ils voient de leur vie et dans ces cas là ils ne sont pas arrivés au bout de leur surprises, soit ils se contentent de rien, du pire des minimums, et dans ces cas là leur vie doit être un océan de satisfaction. Enfin bon, j'ose à peine le dire, mais je crains qu'en fait la vraie bonne explication ne soit aucune des deux, mais plutôt une troisième qui soit assez attristante. Le fait est que cette "Séparation" est un film iranien, parlant du malheur de petites gens face à l’injustice, la pression religieuse et surtout la misogynie sociale, bref c'est le spécimen rêvé pour en parler lors des soirées mondaines. Il est d'ailleurs assez désolant de constater à quel point ce film a été pensé pour le spectateur bourgeois occidental, tant celui-ci se veut didactique et explicatif sur ce qu'est la société iranienne, et tant les messages implicites dont le film regorge remplissent méthodiquement le petit inventaire du parfait Européen indigné. D'ailleurs, le film a été interdit en Iran, ce qui était d'ailleurs sûrement attendu, preuve qu'au final ce film n'a finalement été pensé que pour nous, et certainement pas pour eux. Bref, personnellement, à part pour faire son intéressant en parlant de la situation iranienne auprès de la bonne société , je vois pas trop à quoi peut prétendre ce film. Car, sorti de cette approche sociétale du film, qu'est-ce qu'il reste ? Eh bah rien. On te prend une caméra à l'épaule, et on demande aux acteurs de parler devant pendant plus de deux heures, le tout pour animer une intrigue d'une pauvreté affligeante ne reposant que sur des ressorts d'idéologies morales plutôt vaines. Histoire de plomber encore plus la démarche, il a fallu en plus de ça qu'on nous flanque une narration linéaire, si pénible qu'au bout d'une heure on en est encore à se demander si le personnage principal est tombé sur la bonne personne pour garder son père souffrant d'Alzheimer parce que sa femme l’a quitté. Pour ma part je suis toujours sidéré que des personnes soient prêtes à endurer une telle pauvreté narrative pour au final crier au chef d'œuvre sur une histoire pourtant mille fois racontée. Je comprends mieux pourquoi je passe pour un extra-terrestre quand je dis que je vais parfois voir mes films préférés deux ou trois fois au cinoche : si pour eux le cinéma se limite à ça, je comprends la corvée qu'ils s'imaginent. Après un tel discours reste l'éternel énigme pour toi lecteur : qui croire ? Ces respectables critiques qui sont payés pour pondre ce qu'ils ont décidé de penser pour toi, ou bien les propos d'un banal internaute qui va juste au cinéma pour ressentir des émotions ? Bien évidemment, libre à toi de choisir, mais dis toi que si pour toi la vision de ton dernier Dardenne ou d'un film primé à Sundance suscite le plus profond ennui, et que tu ne vois là-dedans qu'une plate exposition de misère humaine, alors la "Séparation" n’est décidément pas fait pour toi. Libre à toi de me croire, mais vérifier mes dires pour l'occasion pourrait te faire souffrir...