Le cinéma iranien, comme jadis le chinois ou le polonais, possède la singularité t'attirer l'attention. Le contexte dans lequel il se construit et la rareté qui en découle y sont pour beaucoup. En ancrant un récit universel dans une réalité que nous connaissons peu, Une séparation réussit à déjouer tous les exotismes liés à ses origines. Universel, le film ne l'est pas seulement par son sujet. Ouvrant la voie à de multiples interprétations, laissant au spectateur le loisir d'explorer ses propres pistes, Une séparation s'adresse à tous. Il est alors difficile d'en parler, difficile d'analyser la mise en scène sans évoquer l'interprétation, de raconter l'histoire sans louer le scénario, tant l'ensemble est brillant. Une séparation est d'abord un film d'une grande intelligence écrit par un orfèvre. Drame intime, miroir de la lutte des classes, récit d'apprentissage, film d'amour, récit de survie, fable sur le mensonge, thriller presque... le film d'Asghar Farhadi réussit à être tout cela à la fois sans jamais déborder, sans jamais se tromper, sans en faire trop. La mise en scène ample et attentive, discrète et scrutative, accompagne sans peser. Au cœur du film, comédiennes et comédiens sont confondants de justesse. Tous, du grand-père malade d'Alzheimer à la petite fille regardant le monde, en passant par les deux couples qui s'affrontent, sans oublier l'adolescente torturée par la séparation de ses parents, toutes et tous donnent de la chair à ces êtres complexes, jamais stéréotypés, toujours surprenants. Film à suspense, Une séparation est captivant à suivre, un rien nous faisant douter de nos hypothèses, drame au quotidien, il sait nous placer auprès de tous ses personnages, prenant soin de n'en juger aucun. Nous nous reconnaissons en eux, nous les comprenons tous, même s'ils s'opposent. Magique et brillant, Une séparation nous tient par un regard, un geste, une bouleversante scène de douche entre un père et son fils, le mensonge douloureux d'une fille, l'attente d'une femme, la révolte d'un perdant, la peur d'une épouse, l'entêtement d'une homme, le jeu d'une petite fille avec une bonbonne d'oxygène... jusqu'à cette dernière scène, ce dernier plan, qui garde en lui toute l'intelligence et la beauté du film.