Quel chef d’œuvre, voilà les trois uniques mots qui me viennent à la bouche pour décrire cette pépite de Jaume Balaguero, l’équivalent espagnol désormais, talentueusement parlant, du maître de l’émotion grand spectacle, James Cameron. Mais oubliez les Titanic, Abyss et autres Avatar, qui pêchaient par l’invraisemblance et/ou la faiblesse de leurs scénarios. REC 4 est l’exemple parfait, enfin, qu’un film d’amour basé sur l’épouvante, peut être crédible tout autant que fascinant, touchant, sans pour autant être mièvre.
Il aura pourtant fallu attendre longtemps, avant d’obtenir une telle merveille cinématographique. Jonathan Levine s’y était essayé, avec Warm Bodies en 2013, l’histoire d’un zombie et d’une humaine amoureux comme cochons. Mais bien que pavé de bonnes intentions, et surtout, d’originalité, le film s’apparentait plus alors à une bouillie indigeste de gnan gnan et d’absurdités scénaristiques qu’à une réussite dans l’histoire du cinéma. Il aura fallu attendre Jaume Balaguero …
REC 4 commence comme ses prédécesseurs, sur fond d’épouvante-horreur, avec un soupçon de créatures malveillantes déchiquetant ça et là leurs semblables, par habitude, ou peut-être par ennui. On se dit une fois encore qu’on ne sera pas surpris, et bien si ! Balaguero sait brouiller les pistes comme Hitchcock avant lui. Une histoire d’amour commence peu à peu à se dessiner entre Angela, notre journaliste survivante et Nick, un geek plus âgé qu’elle, que pourtant tout oppose. Culturellement bien sûr, mais physiquement aussi. D’autant que la logique voudrait qu’Angela s’éprenne du bellâtre de service, celui qui l’a sauvé dans l’immeuble. Mais le film ne manque pas de rebondissements, puisque,
le bellâtre se révèlera être maléfique, la belle pure comme l’ivoire, et le geek le plus courageux parmi tout l’équipage. Entre celui qui l’a sauvé par conscience professionnelle, et celui qui la sauvera par amour, Angela choisit délibérément le second.
On a là un clin d’œil à Shrek, bien sûr, mais aussi une audacieuse critique du stakhanovisme.
L’amour est plus fort que tout, tel est le message véhiculé tout au long de cette romance moderne, et représenté métaphoriquement par plusieurs scènes astucieusement disséminées dans le film.
Comment ne pas frissonner tout d’abord lors de l’avancée coûte que coûte de Nick, éparpillant la chair de ses victimes au moyen de la pâle d’un moteur, afin de protéger sa dulcinée ? Là encore, pas de musique larmoyante superflue, piège dans lequel plusieurs autres réalisateurs auraient sauté à pieds joints. La beauté des images et la détermination dans le regard de ce geek amoureux, parlent d’elles-mêmes.
On pense également au personnage de la grand-mère, perdue dans les couloirs aux sens propre et figuré, présente uniquement à l’écran pour évoquer les liens du mariage, union biblique qui adviendra pour Angela et Nick, et qui elle seule pourra vaincre le Diable et chasser ses engeances démoniques, par la conjugaison du Père, du Fils et du Saint-Esprit.
Enfin, bel hommage fait au maître par l’élève : on comprend à la toute fin du film, et c’est là le génie de Balaguero, que ce film n’est autre que le remake imagée, rêvée, améliorée, du film qui a tant fait pleuré mon ami B.B., à savoir Titanic. Car oui, il y avait de la place pour deux sur ce radeau, ou en l’occurrence sur ce canot gonflable, et le réalisateur, avec ses maigres moyens, nous le prouve. Une scène d’une rare puissance émotive, encore jamais vue au cinéma, qui se joue de notre intelligence en même temps que de nos émotions. En effet, on aurait dû s’en douter depuis le début : un navire perdu au beau milieu de l’océan, deux jeunes gens provenant de deux milieux sociaux différents, et un parasite satanique en guise de Cœur de l’Océan…on avait la solution sous les yeux depuis le début, et on ne la voyait pas ! Mieux qu’Inception et Usual Suspects réunis. Jaume Balaguero a eu le courage d’appeler ce film REC 4 : Apocalypse plutôt que Titanic 2, alors qu’un nom aussi prestigieux lui aurait certainement rapporté beaucoup plus d’entrées dans les salles obscures, et donc d’argent.
Moi je dis, bravo Monsieur Balaguero, vous êtes un véritable artiste, et pas un réalisateur buisnessman qui prend les spectateurs pour des vaches à lait.
Alors vous l’aurez compris, allez voir ce film à tiroir et savourez comme malheureusement peu souvent au cinéma une véritable histoire d’amour sans chichis et violons. Et vivement Titanic 3, enfin REC 5.