J'y suis enfin venue, j'ai vu et ça m'a vaincue. 3 ans pour me décider à accepter l'idée de me lancer dans un biopic, genre oscarisable à souhait, cochant ses petites cases sur le Walk of Fame de l'obtention de la statuette. Mais Queen, quand même... la curiosité l'a emporté.
Je ne vais être pas objective sur le film et son intérêt artistique. Difficile de plonger dans un biopic quand on connait à l'avance les grosses ficelles qui vont nous être déroulées: enfance avec une faille, rejet sociétal du héros et future star, rencontres artistiques déterminantes, succès et excès en découlant, passage à vide et renaissance personnelle et artistique... puis la bio, le film, les best of...Les Elvis, Ray Charles ou Johnny Cash y ont déjà eu le droit, à leurs vies emballées en téléfilm M6. C'était donc enfin au tour de Freddie Mercury, certainement plus politiquement correct depuis quelques années (grâce au travail des assos LGBT+). D'ailleurs, mise en parallèle ou développement sur le contexte sociétal ultra homophobe de l'époque pratiquement inexistant, dommage quand on évoque la vie de Mercury, non?... L'émergence du SIDA? Ben..une minute, à peine.
Donc, à un niveau cinématographique, rien d'original: mise en scène d'un classique évident, construction scénaristique bateau, dialogues creux et sans relief, tentatives d'humour affligeantes, montage amorphe et sans envergure ( pour un film sur un groupe de rock....). Passe! On s'y attend, on est dans un biopic rôdé pour le grand public. Le but était surtout de mettre en avant la performance de Rami Malek. parce que, qu'est-ce qu'on en a entendu parlé!
Arrivons à la vraie raison de cette critique: l'interprétation de Malek.
Et Freddie Mercury, d'abord, c'était qui ? Tout simplement, sur scène, on le sait tous: un charisme à l'état pur, blabla, un dynamisme transcendant les foules, blablabla, une présence indéniable en totale osmose avec le public.On sait. Dans les interviews, Mercury s'était une nervosité électrique, une douceur tranchante, une retenue constante de son exubérance naturelle. Mercury, c'était une énergie toujours présente, jamais évasive, par son regard toujours direct, les tensions de son corps déployant force et fragilité.
Et Malek dans tout ça? .... Interpréter un personnage, jouer un rôle, ce n'est pas mimer. Ce n'est pas reprendre des mimiques, reproduire des gestes et des attitudes typiques de la personne ( quand elle a existé) pour se faire passer pour elle. Sinon on est pas un acteur, mais un imitateur. Encouragé par un montage dédié à nous faire un copié-collé de la réalité ( concerts et interviews), Malek semble avoir été filmé plan par plan, jusqu'à obtenir le bon lancement de bras, la pirouette bien calquée sur l'original, la bonne façon de tenir le micro "comme sur les images d'archives", à quelques millimètres près. Bravo. Autant se refaire le live, en fait. Malek n'habite pas son personnage, ne vit pas son inspiration. Il n'en a pas en fait. C'est juste un décalcomanie.
Concernant la prothèse dentaire..... Sur Mercury, on ne voyait pas ses dents, c'était un détail, c'était les siennes, il parlait, souriait, se taisait avec, naturellement, sans jeu de lèvre ou de bouche comme si elles étaient corporellement centrales chez lui. C'est là que j'ai regretté le peu de côté "Method acting" ( alors qu'ils m'ulcèrent en général), c'est dire. Rami Malek nous la traficote cette prothèse comme un vieux son nouveau dentier, ou un môme gêné par son nouvel appareil dentaire. Il aurait mieux fait de ne pas se l'enlever pendant 3 mois; il ne nous aurait pas donné cette impression constante et gênante de suçoter une grosse bêtise de Cambrai.Et Mercury, merde, ce n'était pas des dents! Vous voyez des dents sur scène, vous, quand vous regardez le live à Wembley?!
Alors, si je voulais je pourrais encore en dire, beaucoup, énormément, sur l'impression lamentable de cette "performance". Mais, juste, oscarisé?? Face à Mortensen, Dafoe et Bale?? Si les institutions artistiques US voulaient "reconnaître" le talent de Mercury, c'est de son vivant qu'ils auraient dû le faire, pas par procuration, 30 ans trop tard.
Bref! Si vous connaissez et aimez Queen, ne perdez pas votre temps à rager devant cette daube de 2 heures. Si vous ne connaissez pas Queen, faites-vous Wembley pour commencer. Rien ne parle mieux d'un artiste que son art.