Pour les amoureux de la musique, Bohemian Rhapsody est le titre le plus célèbre de l’un des meilleurs groupes britanniques de rock de tous les temps : Queen. En 2018, il devient celui du premier biopic consacré à l’histoire de cette troupe mythique.
Evoqué dès 2010, cet ambitieux projet cinématographique, qui est encore à un stade très précoce et dont le scénario est initialement confié à Peter Morgan (qui travaille sur la série The Crown), entreprend de relater l’histoire du groupe dans des bornes chronologiques très similaires à celles qui sont finalement choisies. Néanmoins, c’est Sacha Baron Cohen qui est d’abord choisi pour incarner le légendaire Freddie Mercury.
Très tôt, trois des membres de Queen s’impliquent dans la conception et concèdent des droits sur certains titres, une décision inédite qui va jusqu’à la création d’une société de production pour les besoins du film. Mais en 2013, Baron Cohen quitte le projet en raison de divergences avec les membres de Queen : le premier souhaite un film centré sur la sexualité de Freddie Mercury quand les seconds préfèrent un film tous publics. Après des hésitations sur la faisabilité du projet et de vives tensions avec l’ancien participant, des spéculations avancent les arrivées de Daniel Radcliffe et de Dominic Cooper, toutes deux rapidement démenties, avant la confirmation de Ben Whishaw, puis de celle de Dexter Fletcher à la réalisation. Mais l’année suivante, la société de production GK Films rencontre d’importantes pertes financières et Fletcher se retire à la suite de différents de création avec Graham King, premier producteur ayant rallié le projet. Une nouvelle fois, la concrétisation de ce dernier est sérieusement remise en cause.
En 2015, GK Films trouve le titre définitif du film et confie son scénario à Anthony McCarten, qui s’est illustré l’année précédente pour son travail dans Une merveilleuse histoire du temps. En 2016, 20th Century Fox rejoint le projet et Bryan Singer est nommé comme réalisateur. C’est aussi à la même période que le rôle de Freddie Mercury revient à Rami Malek, qui se fait remarquer depuis l’année précédente grâce à son personnage de premier plan dans la série Mr. Robot. Et en septembre 2017, le tournage du film peut enfin commencer à Londres. Mais bien que le projet soit enfin lancé, celui-ci est brièvement contrarié une nouvelle fois, par le renvoi de Bryan Singer, en décembre. Accusé d’absences répétées et de manque de professionnalisme, mais aussi sans doute en raison des agressions sexuelles dont il a été accusé et qui sont mises en lumière sous la pression de l’affaire Weinstein, il est renvoyé par 20th Century Fox et remplacé par celui qui était pressenti dès 2013 : Dexter Fletcher.
Bohemian Rhapsody sort dans les salles mondiales à partir de la fin du mois d’octobre 2018 et rencontre un accueil très mitigé de la part de la presse, qui lui reproche essentiellement la liberté prise par la réalisation pour raconter l’histoire du groupe ainsi qu’un portrait biaisé de Freddie Mercury qui frôle « l’insulte » en le présentant essentiellement comme un débauché. Toutefois, l’accueil du public est bien plus élogieux. Aux Etats-Unis, le budget de production de 52 millions de dollars est rentabilisé en une semaine seulement, ce qui dépasse les prévisions de résultat. Au final, Bohemian Rhapsody rapporte près de 220 millions de dollars de recettes. Au Royaume-Uni, l’engouement au box-office est similaire avec un bilan de 55 millions de livres. En France, il cumule plus de 4 millions d’entrée et devient le cinquième plus gros succès de 2018.
Ces résultats exceptionnels se retrouvent à l’international et témoignant de la grande popularité de Queen, bien au-delà de son pays d’origine. Au total, Bohemian Rhapsody frôle le milliard de dollars de recette et devient le film biographique musical le plus rentable de l’histoire. Néanmoins, ce triomphe au box-office ne cache pas les cruelles faiblesses dont souffre cette adaptation, dont la source est peut-être à chercher du côté des nombreux déboires qu’a rencontré le projet pendant près d’une décennie.
D’abord, le reproche essentiel que l’on peut faire concerne la liberté prise par l’équipe de production pour narrer l’histoire du groupe. De nombreuses inexactitudes ponctuent le scénario et entachent ce noble objectif de restitution historique. Ensuite, le portrait presque caricatural et fantaisiste d’un Freddie Mercury débauché, imbu de sa personne, caractériel et capricieux, alors que la légende du rock britannique avait une personnalité bien plus complexe. De plus, il est regrettable de constater que le scénario du film se résume à une succession d’évènements dans une narration dénuée de prises de risques, se contentant d’un récit presque exclusivement factuel. De plus, la mention des lieux et des années à plusieurs étapes du film n’apporte aucun intérêt.
Mais heureusement, et à l’unanimité, la performance exceptionnelle de Rami Malek parvient à sauver le film grâce à un sérieux travail en amont (coachs vocaux, cours de chant et de piano, visionnages de vidéos pour améliorer son interprétation de Mercury). Récompensé par plusieurs trophées prestigieux, dont l’Oscar et le Golden Globes du meilleur acteur, l’acteur égyptien réussit une interprétation puissante et fidèle à la réalité. De plus, l’apothéose du Live Aid, bien que critiquée pour sa longueur, est sans nul doute la reconstitution la plus aboutie et la plus conforme aux faits, permettant à Rami Malek d’exercer toute l’étendue de son talent au son de « We Are The Champions ».
En conclusion, Bohemian Rhapsody n’est pas au rendez-vous de la grande attente qu’il a suscité en choisissant de raconter l’histoire d’un groupe mythique du rock britannique. L’intention première de restitution n’est pas assez fidèlement respectée, le scénario est bancal et la mise en scène évite les prises de risques. Toutefois, la performance de Rami Malek et le final au Wembley Stadium sont deux atouts irréprochables mais ne suffisent pas pour faire de ce film une légende, au même titre que Queen.