"Ah, en fait The Sadness n'a pas inventé la scène de l’œil." A Serbian Film est évidemment une œuvre dont on a tous entendu parler comme étant "irregardable, le plus atroce des films", une réputation qui nous aura fait retarder son visionnage (à tort, au final). Bien sûr, on ne mettra pas le film à un public qui ne serait pas averti du caractère sexuel très dérangeant (nombreuses scènes de relations non consenties, dont certaines sur enfants et bébé) et de la violence sanglante (tuerie en plein coït, pour basculer dans de la nécrophilie, la fameuse scène de pénétration dans l’œil). Mais voilà, en terme de comparaison, on trouve The Sadness très loin au-dessus pour ce qui est de l'horreur gore et du côté orgiaque déviant (par exemple, la scène de l’œil est atténuée car
elle est appliquée à un méchant qui a abusé de l'homme qui lui rend la monnaie de sa pièce, et non pas à une jeune femme sans défense,
idem, de nombreuses scènes sont en hors-champs ou filmées dans le dos des acteurs : on ne voit finalement pas grand-chose, la force dérangeante de A Serbian Film puise dans la suggestion). Les acteurs ne sont pas très bons et les personnages sont vite écrits (il faut bien le dire : on ne voit que des caricatures), la morale du voyeurisme malsain qui engraisse une industrie de l'ombre arrive plus de dix ans en retard de 8mm (qui le dénonçait déjà, de l'extérieur), la mise en scène n'est pas franchement bonne (et pénible à mal éclairer ses scènes pour ajouter un côté lugubre), on sauvera surtout cette envie de montrer les coulisses du snuff-movie de l'intérieur, piégeant un pauvre acteur de porno et le poussant jusqu'à la plus pure folie. La scène finale est assez dure, car on sent l'homme derrière le monstre (
l'abus de son propre fils le pousse à essayer de se flinguer
: on ne sait plus quoi penser du personnage, et c'est une réussite du film de jouer sur l'entre-deux moral). Néanmoins, si A Serbian Film tombe souvent dans la caricature de ses personnages, filme volontairement mal ses scènes d'atrocités (pour triturer surtout l'imagination du spectateur, mais pour nous cela amoindri le choc), il essaie de crier haut et fort toute l'horreur qui se cache dans l'industrie du snuff-movie avec un personnage dont notre pitié se mêle à de la terreur sur ce qu'il devient... Reste qu'en classification "film-choc", The Sadness nous a fait vraiment plus mal (en passant par l’œil, tiens tiens...).