On est le mercredi 16 septembre 2009 quand sort sur les écrans français District 9, première réalisation de ce qu'on pourrait appeler un prodige du cinéma du nom de Neill Blomkamp, très rapidement le film atteint le rang de film culte et de meilleur film de S-F depuis bien longtemps. Statut mérité (bien que je ne sois pas aussi enthousiaste) pour un film qui allia critique sociale forte puisqu'on y évoquait l'Apartheid et les disparités sociales en Afrique du Sud (pays natal du réalisateur) dans les années 80 à une mise en scène brutale et violente. C'est donc de pied ferme (doux euphémisme) que l'on attendait sa prochaine réalisation, pressenti au départ comme la suite de District 9, il n'en était rien... Elysium, voilà son nom.
Avec un budget de 100 000 000 de dollars (contre 30 000 000 pour District 9), la question légitime qu'on pouvait se poser était : le réalisateur s'est-il fait bouffer par le système hollywoodien où est-il rester fidèle à lui-même ? Car confié une telle somme à un réalisateur pas encore assez connu du grand public et qui plus est que l'on pourrait qualifier d'auteur (ou d'engagé), cela tenait de la surprise. Et force est de constater que Blomkamp n'a rien perdu de sa hargne.
Ici, le long-métrage prend place en 2154, la Terre n'est plus qu'une immense favela saturée de pollution où ne vivent que ceux qui n'ont pas les moyens d'aller sur Elysium, une station orbitale où ce sont réfugiés les riches afin de fuir cette Terre. La comparaison entre les disparités Nord Sud semble frappante, et rien d'étonnant à ce que Blomkamp ait choisi ce thème là pour son second film, c'est que les cinéphiles commencent à le connaître le sud-africain, En un seul film, il imposa déjà son style très personnel, que ce soi dans son univers très terre-à-terre (la Hard S-F) où dans sa mise en scène immersive et incroyablement puissante lors des scènes d'actions mélangé avec un propos intelligent sur les différences qui règnent dans le monde. Avec cela, Blomkamp rajouta une partie found footage-documentaire à son District 9 seulement à défaut de renforcer l'immersion, elle ajouta un côté parodie assez mal venu pour ce long-métrage tant il se prenait au sérieux. Mais exit cette partie dans Elysium, là on rentre directement dans l'action car à la différence de ce dernier, on n'a pas tout l'aspect "historique" et scientifique de la chose, totalement délaissé pour ce long-métrage. Ce qui peut-être une bonne comme une mauvaise chose puisque beaucoup de questions demeurent sans réponses à la fin de la séance, aucune informations n'est donné concernant la station orbitale par exemple (sa construction ou son fonctionnement), mais ce qui reste le plus gros est sans conteste la machine réparatrice que l'on peut trouver sur Elysium, t'as un cancer, elle te le soigne, t'as une jambe qui vient d'explosée, aucun soucis, elle le soigne aussi, en jouant aux fléchettes tu t'es crevé un oeil, la magie de la machine t'en redonne un et cela fonctionne ainsi quelque soit ta maladie ou ton membre défectueux ou inexistant (oui oui, ça doit aussi marcher pour les coui... enfin bref).
Mais si le film abandonne ce côté scientifique créant des facilités scénaristiques c'est pour mieux se concentrer sur les personnages (et aussi parce que les scénaristes sont des feignasses). Car l'une des forces de ce film est l'écriture et l'interprétation des protagonistes, Matt Damon en tête puisqu'il livre une excellente prestation, son implication dans le film est exemplaire, car en plus de s'être muscler et s'être rasé la tête (afin de mieux correspondre au personnage du taulard) il n'a pas hésité à tourner pendant deux semaines dans une décharge géante pour les besoins du film (de la Hard S-F je vous dis), Son personnage, Max, est l'archétype même du gars normal individualiste , qui sert avant tout ses propres intérêts. Pas forcement un héros donc (les choses vont bien sur changer, la soeur (celle de l'église) lui avait prédit un destin incroyable, alors destin incroyable il aura), d'ailleurs personne n'est vraiment héroïque dans ce film, tout le monde que ce soit terriens ou elysiumiens (oui, oui ce mot existe) ne pensent qu'à eux enlevant toute bravoure irréaliste que l'on pourrait avoir dans la plupart des blockbusters. Evidemment on a le droit à des personnes dotées d'intentions plus noires que les autres, là ils sont au nombre de deux, la ministre Delacourt (Jodie Foster) et Kruger (Sharlto Copley, déjà vu dans District 9), tout deux sont surement bien interprétées mais très mal doublées, la première est d'une fadeur sans nom et ne convient pas du tout à l'actrice et l'autre est tout simplement ridicule, en mode "doubleur de Nicolas Cage complètement bourré". De ce point de vue là, c'est vraiment dommage car le reste du casting est vraiment excellent, Diego Luna en tête, bien que peu de présence à l'écran, il incarne avec brio un personnage très attachant et son regard est d'une rare expressivité. Alice Braga s'en sort plutôt bien et sa relation avec Matt Damon, bien que déjà vu (amis d'enfance qui se retrouvent et vous connaissez la suite), fonctionne plutôt bien et est tout en retenue.
La forme quant à elle, reste semblable à celle de District 9 mais boosté par les moyens en plus, cela se ressent bien sur dans l'univers très travaillé d'Elysium mais aussi dans l'utilisations de ralentis renforçant la grande brutalité des scènes d'actions (qui mériterait une interdiction au moins de 12 ans) ou la beauté de certains plans. Son style devient ainsi plus grand public tout en contentant grandement les adorateurs de District 9. A souligner aussi une BO très étonnante, on en attendait pas forcement grand chose de ce côté-là et pourtant... c'est une véritable claque dans la g*eule qu'on se reçoit quand elle intervient, surtout dans les séquences d'actions.
Avec tout ça, la seconde réalisation du sud-africain s'impose comme le meilleur blockbuster de l'été et l'un des meilleurs films de l'année. On pardonnera son scénario simpliste au message manquant légèrement de profondeur (bien que la symbolique soit très intéressante) au profit d'une exceptionnelle mise en scène, une très bonne interprétation et écriture des personnages, ça sonne juste, les enjeux dramatiques sont là contrairement à d'autres blockbusters (Pacific Rim pour ne pas le citer), bref une bombe de S-F comme on voit que trop rarement.
District 9 a révélé un talent, Elysium le confirmant, on peut le dire : Neill Blomkamp est un grand.