Avec District 9, Neill Blomkamp s'imposait immédiatement comme le grand espoir du cinéma de science-fiction, en réussissant à transcender un budget minuscule pour ce type de production. Des idées en pagailles, un sens de la mise en scène très affirmé, une volonté d’ancrer le film de genre dans une réalité sociale forte, le sud-africain a définitivement tout compris à la portée du cinéma de SF. Avec Elysium, il continue de tracer sa route en affirmant son style qu’il peaufine depuis ses premiers courts métrages pour lui donner toujours plus d’ampleur et signe une petite merveille, à la fois contestataire, visionnaire et violente, mais qui n'est pas dénué de défauts. Neill Blomkamp est un réalisateur avec une signature évidente, des thèmes qui lui sont chers, et une vision novatrice des choses. C'est clairement ce qu'il démontre dans Elysium qui est sans doute un des meilleurs films de l'année, sans pour autant être un chef d'oeuvre. L’univers d’Elysium est bâti sur le contraste entre d’un côté une Terre désertée par les populations les plus riches, où les prestations médicales et sociales sont restreintes au minimum vital, où la politique sécuritaire est excessivement fascisante, et de l’autre Elysium, station spatiale au rendu clinique, vision parabolique des paradis fiscaux actuels. Ce n’est pas un hasard si sur Terre la langue dominante semble être devenue l’espagnol, le monde ressemblant à une gigantesque favela, tandis que sur Elysium l’anglais et le français dominent. La volonté de Neill Blomkamp, qu’il s’agisse de son récit ou de son traitement visuel, est d’apporter une touche de réalisme particulière. Un réalisme qui avait déjà frappé avec District 9. Et c'est là le gros point fort du film : on y croit. On y croit jusqu'au bout sans qu'une onde d'incohérences frappantes viennent troubler le récit. Et pourtant il y a quelques facilités : on en sait pas plus sur ce concept d'Elysium alors qu'on aurait bien aimé avoir quelques connaissances au sujet de cette terre utopiste. L'ensemble du film reproduit, avec une maîtrise toujours plus affirmée, l’approche du film précédent (caméra à l’épaule façon cinéma vérité, utilisation de diverses sources d’images pour doper la narration, multiplication de points de vue et ruptures de ton), Mais il y aussi des séquences plus apaisées, voire carrément lyriques, qu’il s’agisse des très lumineux flashbacks construisant la complicité nécessaire entre deux personnages majeurs, ou d’inserts ralentis incroyables lors des séquences d’action. Et derrière ses séquences faramineuses, Blomkamp parvient à créer une certaine émotion, tout comme dans District 9. La bonne idée est de ne pas tomber dans une romance facile ou un ton bêtement pleurnichard mais de trouver une sorte de pureté. Dommage que la fin du film tombe malheureusement dans ce cas. Neill Blomkamp élabore un dispositif dérivé de District 9, avec une première partie dans laquelle les nombreux enjeux sociaux sont exposés et une seconde qui laisse plus de place à l’action pure et dure, avec des ponts permanents entre les deux. Il est donc question d'une mise en scène incroyablement bien maîtrisée, laissant place à un scénario certes simple mais pour le moins efficace. Elysium laisse place aussi à une ambiance SF crade et sanglante, dopée à l’imagerie cyberpunk et aux explosions gores. Blomkamp va donc bel et bien jusqu'au bout de son concept et ce, avec une justesse qui mérite le respect. Elysium s’impose donc aisément comme une expérience de SF très élaborée et brutale, portée par un Matt Damon transformé, à la fois massif et émouvant, et un Sharlto Copley génial en bad guy psychopathe. Et malgré quelques facilités et quelques défauts (notamment la bande-son qui n'a vraiment rien d'impressionnant), c'est un film qui parvient à s'affirmer et confirme le talent de Neill Blomkamp. Un bon moment de cinéma SF.