En 1941, immense succès en librairie en 1930, « Le faucon Maltais » du grand Dashiell Hammett connaît sa troisième adaptation cinématographique après celle de 1931 (que je n’ai pas vu) et celle de William Dieterle «Satan Met a Lady » essentiellement comique, par moment plutôt risible que drôle. Ce furent deux flops. George Raft était pressenti, mais à la suite de ces deux échecs commerciaux, d’un budget réduit à 300 000 $ (environ 7 millions de nos jours soit un budget de série B), d’un réalisateur inconnu (John Huston, certes encouragé par Howard Hawks) et une partenaire, Marie Astor, ex star du muet, dont la notoriété à cette époque tenait plus de la presse à scandale que des réussites dans le parlant. C’est ainsi que débarqua un des acteurs montants, Humprey Bogart. « The Maltese Falcon » est un des rares exemples de théâtre filmé (excepté la meurtre du début) qui justifie parfaitement une adaptation cinématographique. En premier, le rythme impressionnant des dialogues (la plupart sont ceux du roman) pour lesquels il parait impensable de tenir la cadence sur scène plusieurs soirs de suite, sauf à changer les acteurs une fois sur deux, et encore. En second une mise en image qui capte sans cesse regards et sourires amusés de Bogart après chaque stratagème réussi. C’est avec la parole et une économie de geste parfaite que nait ici la légende du privé à la Boggy. Ce sont aussi les contre plongés qui rendent Sidney Greenstreet encore plus impressionnant, les gros plans sur Peter Lorre à la limite de la folie et appuie sur le côté sexy assumé de la menteuse pathologique, interprétée par une Mary Astor au physique plutôt éloigné des standards de la « bombe fatale ». Scénario compliqué, mais fidèle au livre, découpé en séquences et filmé ainsi, le déroulé de 100’ ne laisse aucun répit au spectateur, ni même de plan reposant. Pas une image, pas un mot inutiles, densité sans faille, illustrées par un noir et blanc d’anthologie d’Arthur Edeson, accompagné par une partition toujours juste d’Adolph Deutsch. Il est possible de ne pas voir dans “Le faucon maltais” un chef d’oeuvre, néanmoins très peu de films ont réussit à apporter une plus value par l’image, tout en restant d’une fidélité au texte. Historiquement, il reste LE fondateur d’un style de film noir, celui du privé. Premier film nominé aux Oscars, face à un autre premier film : le “Citizen Kane” d’Orson Welles. Le vainqueur fut “Qu’elle était verte ma vallée” de John Ford qui avait perdu coup sur coup les années précédents avec “Stagecoach” puis “Grape of Wrath”.