Lorsque l'on connait les antécédents de Roland Emmerich, on pouvait s'attendre à un éniéme festival de numérique sans fond. Et bien le réalisateur a radicalement viré de bord pour offrir autre chose. Et, là, en dehors de tout effet special, c'est du reel cinéma. A l'image de son film, Emerich opte pour une mise en scéne théatrale, trés sobre mais diablement stylisée. La photographie est envoutante, le contexte captivant et l'énigme, bien que finalement résolue dés les premieres minutes, présente des rebondissements inattendus. Multipliant les références du genre tout en conférant à son oeuvre une vision polémique et un parti pris qui peut étonner, le cinéaste ne manque jamais d'arguments. La force tient en son scénario trés bien écrit, ses acteurs impeccables dans leurs rôles respectifs, et son esthetisme habile. Hommage aux piéces que l'on attribue à Shakespeare, ce film s'interroge davantage sur les déboires d'une figure royale contrainte de renoncer à son héritage litteraire sous peine de perdre son titre. Le tout au centre de complots visant à détrôner la reine. Peu d'action, énormément de poésie et beaucoup de subtilités, l'oeuvre s'intensifie avec son propos à mesure qu'elle avance dans le temps. Mais "Anonymous" n'est pas sans défauts : le montage peut s'avérer complexe à certains égars, et quelques transitions floues et brouillonnes peuvent perdre en chemin le spectateur. Bien evidement, on est jamais décontenancé et l'on comprend parfaitement ces sauts dans le temps (entre flash backs et retours au présent), néanmoins on est pas assez guidés dans la démarche...Mais n'est ce pas là le propre d'un auteur? Amener le public à tirer ses propres conclusions et découvrir progressivement la richesse artistique ? Sans proposer de reflexion profonde sur le sujet, Roland Emerich s'en tire avec maints honneurs, servant une panoplie de protagonistes interessants au coeur d'une interrogation toujours en suspens ? Shakespeare est-il, oui ou non, le créateur ? Sans prendre reellement de recul dans le traitement de sa réponse, le réalisateur ne brutalise pas le spectateur pour que ce dernier adhére bêtement à son idéologie. Non, on reste libre de croire ce que l'on veut. Finalement, on a pas plus de certitude à l'issue de ce pseudo thriller historique, mais on ressort rafraichis, heureux et comblés d'avoir pu obtenir une réponse alternative bougrement divertissante. On en demandait pas plus. Et dire qu'il aura fallut attendre un film sans effets spéciaux destructeurs pour enfin être pleinement satisfaits du résultat. Roland Emerich, caché dérriere ses CGI, a des choses à dire, c'est certain. Certes il ne posséde pas encore la force narrative d'autres réalisateurs, mais il emprunte une voie encourageante.