Holiday est une comédie de dégradation où tout ce qui avait été ingurgité se vomit, où les couples se délitent dans ce château particulier qui devient peu à peu un lieu d’expérimentation sexuelle, un lieu de passage dans lequel stagnent des identités ancrées dans un trait de caractère que le cinéaste se plaît à former et déformer dans tous les sens, à en exacerber certains aspects, à tirer vers l’absurde le plus réjouissant. Le générique annonce d’emblée la couleur : du vomi, un liquide blanc que l’on suspecte être du sperme ou du crachat, du sang maculent toutes sortes de supports en tissu. L’année 2019 fut marquée par les déambulations du duo Houellebecq-Depardieu dans les couloirs d’un centre de cure thermale ; en 2010, Darroussin et Godrèche annonçaient déjà la couleur, bien qu’il ne s’agisse pas ici d’amitié mais d’amour fatigué, lassé des va-et-vient dans le lit conjugal où personne ne sent plus rien. Il faudra un meurtre maquillé en suicide et l’enquête de police qui la suit pour renaître à soi, se raccorder à sa fantaisie cynique, miroir tendu au non-sens du monde contemporain. Car ce château avec ses sursauts luxueux pose un cadre décalé, en marge et pourtant familier : s’y rencontrent des personnages atemporels, tous docteurs, donc en rapport direct avec la maladie du monde moderne qu’ils essaient de soigner par le sexe. La caméra de Nicloux réussit à dissimuler sa virtuosité burlesque derrière un négligé apparent ; mais ne nous leurrons pas, quel plan que de voir Darroussin assis à la table de l’inspecteur et rester pourtant un semblant d’être uni, la faute à un pot de fleurs posé devant lui. Au-delà de proposer une partie de Cluedo aussi inattendue que mémorable, Holiday offre au spectateur exigeant une formidable leçon de comédie où l’absurde débouche sur l’incongru et le bizarre : un nain en slip de bain, un docteur aux chicots pourris, une naturiste dans le sauna, une leçon d’anatomie avec deux doigts (seulement !). Car l’atmosphère que construit le film est celle d’une délirante étrangeté dans laquelle les rires ne peuvent masquer une profonde gêne devant ce qui est montré, sans que celle-ci ne prenne l’ascendant. Le petit monde de Guillaume Nicloux prend vie sous nos yeux, et c’est un régal.