Une histoire d’amour à quatre - et pas simplement d’échangisme, comme une partie de la presse s’est plue à le répéter. Une histoire qui se noue, se développe, et puis se dénoue, laissant les deux couples originels orphelins, et pourtant, d’une certaine façon, régénérés. Le sujet était éminemment casse-gueule. Cela aurait pu donner du porno soft boboïste, être ridicule, vulgaire ou simplement pas crédible. Ce n’est rien de tout cela, et Antony Cordier signe un vrai beau film, sincère, subtil et émouvant. Il faut en féliciter d’abord les quatre comédiens principaux - et tout particulièrement Elodie Bouchez et Marina Foïs, toutes les deux remarquables. Le scénario, globalement de qualité, a parfois du mal à maintenir une tension en milieu du film. Mais les moments clés, en particulier le début et la fin, sont réussis. Résultat: on y croit. On peut comparer ce film à une oeuvre de musique de chambre. Dans un quatuor, chaque instrument joue à la fois une partition bien individualisée et participe à la construction de l’ensemble. Ici, le réalisateur confie à tour à tour aux différents comédiens des moments solo, où ils vont affirmer leur personnalité et affiner leur rôle dans ce ménage à quatre, lui permettant de naître, de se développer, de découvrir ses limites (quand les individualités finissent par se révolter contre l’impulsion fusionnelle) et finalement de se dissoudre. Bien au-delà de ses scènes érotiques (assez réussies), "Happy few" est l’histoire d’une expérience sentimentale improbable, aussi excitante que dangereuse, dont les protagonistes sortiront à la fois heureux et malheureux, rassasiés et en manque, en tout cas transformés. Le cinéma français d’aujourd’hui parvient rarement à un tel niveau de finesse psychologique. Bravo à Antony Cordier et à son équipe pour cette réussite !