La première adaptation officielle du roman de Bram Stoker, 9 ans aprés le singulier "Nosferatu" de Murnau, inaugure l'une des périodes les plus fastes de la Universal qui va, consécutivement à l'énorme succés commercial de ce film, exhumer et adapter quelques uns des grands chefs d'oeuvre littéraires du fantastique victorien. C'est la naissance du style gothique et de toute l'iconographie associée : brouillard, chauves-souris, portes qui grincent, chateau inquiétant... A la mise en scène de ce qui s'apparente être un pur film de producteur soucieux de son budget, il est surprenant de retrouver le trés iconoclaste Tod Browning, génie satellite du 7ème art, déjà auteur du trés dérangeant "L'inconnu" avec Lon Chaney et qui prépare déjà l'une des oeuvres les plus tourmentées de l'histoire du cinéma : "Freaks"... A l'aune de ce qu'est la filmographie de Browning, le "Dracula" de 1931 est incontestablement un film mineur : Bela Lugosi, vampire de théatre qui a remplacé au pied levé Lon Chaney initialement pressenti et prématurément disparu, ne fait guère dans la finesse et son jeu semble outrancier. Par ailleurs, le roman de Bram Stoker a été simplifié à l'extrême, littéralement "vampirisé" et purgé d'une grande part de la complexité psychologique qui en faisait l'une des grandes forces... "Dracula" a, c'est évident, mal accusé le poids des années et pourra paraitre vieillot et dépassé, voire grotesque (Ah, ces chauves souris suspendues au bout d'un fil invisible !). Néanmoins, il mérite le respect en s'imposant comme la matrice imparfaite et poussiéreuse qui donnera naissance à quelques-uns des plus grands chefs d'oeuvre du cinéma fantastique. En fait, c'est du côté du "Frankenstein" de James Whale, sorti la même année, qu'il faut se tourner pour pouvoir apprécier le premier chef d'oeuvre de la série des "monster movies" de la Universal...