Nourrir les fantasmes, c'est l'un des premiers axiomes du 7ème Art. Si des films le font particulièrement bien, on ne les adule plus seulement pour ce qu'ils racontent mais pour ce qu'ils sont. On décortique leurs secrets de fabrication, on chérit les ambiances qu'ils créent et on finit inconsciemment par les associer à un genre, à une émotion ou à une époque. Mais aujourd'hui, on singe le passé au lieu de le comprendre. Ce qui nous donne nombre de créations qui ne reproduisent plus l'époque mais un fantasme de l'époque. Le serpent qui se mord la queue, en somme. Sauf que pour tout constat, il peut aussi y avoir de charmantes exceptions. The House of the Devil en est une.
Ti West n'a pas connu les années 70 et il était un marmot dans la décennie suivante. Mais la différence, c'est que le langage d'alors, il l'a assimilé. Il en a décortiqué les techniques, il les chérit pour ce qu'elles produisent alors il va les associer consciemment à son film. En deux minutes, vous aurez la sensation d'avoir déterré la copie d'un slasher certifié 80, sans blague. Nul besoin d'une machine à remonter le temps, il suffit de se remettre en conditions. Tourné en 16 mm, photographie vintage, mouvements de caméras limités, beaucoup de zooms et un découpage économe ; le slasher procure un frisson d'excitation comme on en voit plus beaucoup. De toute évidence, West aime trop ses modèles (Hitchcock, Friedkin, Carpenter ou Polanski) pour se risquer à les voler. Le cinéaste reprend assurément la grammaire d'antan mais pour déclamer au mieux son récit. C'est un superbe hommage en cela qu'il n'amalgame pas inspiration et reproduction. Ce qui permet à la tension de bien nous tourner autour, avant de décocher quelques effusions d'hémoglobine cradingues. En sus, West aura démontré qu'on peut toujours faire sursauter sur des conventions qu'on pensait avoir désamorcées depuis perpète.
L'exercice de style est virtuose, tant et si bien que l'histoire (pas passionnante) en elle-même fait plus office de prétexte. Un bon prétexte, entendons-nous bien. En plus d'offrir une belle frayeur qui semble surgir d'outre-tombe, Ti West rappelle qu'il ne suffit pas de faire semblant et de ressortir les marqueurs d'une époque pour réussir son film d'époque. Car tout ce qu'on obtient au final, c'est de l'artificiel, du fantasme. Il faut d'abord comprendre pour réinvestir. Et lui, il l'a bien compris.