Comme si tout s’était acharné à le priver d’identité socio-familiale et de tout rôle, même minime, durant une Deuxième Guerre Mondiale, qui bouleversa pourtant forcément tout un chacun, un homme ne vit plus que pour se fabriquer un sens identitaire au vide désespérant de sa vie sédentaire et insipide. Bercé par les romans héroïques qu’il a dévorés et les illusions révisionnistes de sa mère, il plaque tout, épouse comprise, pour gagner Paris à la fin de la guerre, et infiltrer ce qui l’inspire le plus, c'est-à-dire les milieux de la Résistance, désormais réduits à des souvenirs et témoignages de salons, associations et autres mondanités bien pratiques.
Gavé d’histoires, de publications, de témoignages, de procès, exploitant les medias, photographes et présences dans les réseaux patriotes, il parfait sa maitrise en exhibitions, escroqueries, infiltrations, usurpations et mythomanie et aboutit sa mystification au-delà de ses espérances en gagnant pension de guerre, poste ministériel, grade d’officier et mission d’épuration anti-collabos où il s’avérera même compétent. Rappelant l’incroyable imposture d’A l’origine, cet inconnu maladroit et tombé de la lune, bien que suscitant bien des doutes pour beaucoup, ne pourra s’arrêter qu’une fois dépassé l’inacceptable.
Mathieu Kassovitz incarne parfaitement ce petit bonhomme timide, emprunté, comédien et bluffeur, de plus en plus seul et perdu, auto-piégé dans l’étau auto-inventé, et formidablement pathétique dans le comblage du vide patho-psychologique qui lui sert d’identité.