Après les surprenants Il Divo et L’Ami de la famille, Paolo Sorrentino signe avec This must be the place, un premier film en anglais tout aussi singulier, en offrant à Sean Penn un rôle atypique dans lequel il se fond à merveille.Tourné entre l’Irlande et les Etats-Unis, This must be the place s’impose comme un voyage introspectif, un road-movie existentialiste, un roman d’apprentissage d’un jeune homme de plus de 50 ans, candide et authentique, enfantin mais pas capricieux, qui redonne joie et espérance à ceux qu’il croise sur son chemin. A l’instar de ses plus grandes performances dans Harvey Milk, Accords et désaccords et L’Impasse, le comédien à la gueule burinée disparait totalement derrière le maquillage et la coupe de cheveux improbable de son personnage Cheyenne. Avec sa petite voix éraillée, son rire de fausset et ses mimiques, le personnage avait tout pour tomber dans les clichés les plus éculés d’une star de rock déchue, mais c’était sans compter l’immense talent de Sean Penn qui rend immédiatement Cheyenne attachant. Avec son look directement inspiré de celui de Robert Smith, leader de The Cure, Sean Penn signe une des plus belles et séduisantes performances de sa carrière. N’oublions pas non plus la ribambelle de comédiens qui lui donnent magnifiquement la réplique comme l’indispensable Frances McDormand, Eve Hewson, la fille de Bono qui démontre un joli tempérament d’actrice, et Kerry Condon, dont la sensibilité émeut au premier regard. En faisant tourner le président du jury du Festival de Cannes qui lui a remis le prix du jury en 2008 pour Il Divo, Paolo Sorrentino réalise son rêve américain tout en inscrivant This must be the place (titre tiré d’une chanson des Talking Heads) dans une indéniable logique de carrière. Le cadre virtuose, le ton, les personnages (subtilement décalés), les thèmes (l’absence d’une relation entre un père et son fils) demeurent propres au réalisateur, entièrement européens, même quand il filme les paysages américains comme dans Paris, Texas…qui était d’ailleurs réalisé par un cinéaste allemand du nom de Wim Wenders avec le même Harry Dean Stanton au générique.