Roses à crédit, c'est fini avant d'avoir commencé... Le nouveau film d'Amos Gitaï, dont la sortie était initialement prévue le 15 décembre 2010, ne sera pas diffusé comme prévu sur les écrans de cinéma. La commission spéciale du CNC a rappelé à l'ordre la société de distribution Ad Vitam signalant qu'un film entièrement financé par une chaîne de télévision, en l'occurrence France 2, n'a pas le droit d'être diffusé sur le grand écran. Le film risque donc de sortir sur le petit écran dans une autre version.
Le film est présenté en sélection officielle au Festival International du film de Toronto, édition 2010.
Léa Seydoux et Grégoire Leprince-Ringuet se trouvent réunis pour la seconde fois sur le grand écran. Ils avaient déjà joué un couple dans La belle personne de Christophe Honoré. Il réitèrent l'expérience dans ce nouveau film d'Amos Gitai.
Après Carlos d'Olivier Assayas qui a été adapté pour le petit et le grand écran, c'est au tour d'Amos Gitaï d'accorder une double vie à son nouveau film. Roses à crédit sera donc exploité dans deux versions: l'une écrite pour la télévision (France 2) et l'autre pour le cinéma.
Amos Gitaï ne connaissait pas l'œuvre d'Elsa Triolet, c'est la productrice du film, Nicole Collet, qui lui a suggéré de le lire pour l'adapter. Jusque là il ne l'avait découverte qu'à travers des textes biographiques et poétiques, notamment dans Elsa de Louis Aragon.
Roses à crédit marque la première collaboration entre le réalisateur et le directeur de la photographie Eric Gautier. Les deux hommes ont beaucoup discuté de la tonalité du film, des couleurs à apporter au film qui est censé se dérouler dans les années 50. Eric Gautier a déjà une belle carrière derrière lui, il a travaillé aux côtés de Desplechin, d' Assayas, de Sean Penn (pour Into the Wild), de Patrice Chéreau, de Julian Schnabel ou encore de Raoul Ruiz!
On retrouve dans ce nouveau film d'Amos Gitaï de grands noms du cinéma français à savoir: Pierre Arditi, Catherine Jacob, Valeria Bruni Tedeschi, André Wilms, Ariane Ascaride et dans les rôles principaux, deux étoiles montantes du jeune cinéma d'auteur, soit Léa Seydoux campant le personnage de Martine et Grégoire Leprince-Ringuet en mari épris.
Le personnage dans le livre d'Elsa Triolet se nomme Martine. Or Amos Gitaï a opté pour le prénom de Marjoline, hommage à une étalonneuse du laboratoire Eclair avec laquelle il a collaboré sur le tournage d'Alila. Léa Seydoux lui rappelait "l'esprit indépendant, un peu sauvage" de cette femme. Le réalisateur s'est donc amusé à lui faire un clin-d'œil.
Après ses films à portée politique et se déroulant bien souvent sur les terres de Palestine et d'Israël, le réalisateur souhaitait changer de décor et d'époque. Pari tenu: il revient sur les écrans avec l'adaptation d'un best seller des années 1950 écrit par Elsa Triolet. Il explique qu'il avait envie, après des films très personnels comme Carmel (le titre évoquant la montagne du village de son enfance), d'avoir affaire au cinéma, directement, au delà de son cercle immédiat sans l'ombre portée de la situation politique au Moyen-Orient.
Le réalisateur a demandé aux acteurs de venir plusieurs jours avant le tournage afin de prendre connaissance du scénario, de la scénographie et tout simplement de "lire, regarder et comprendre". Avec André Wilms, il s'est plongé dans des ouvrages de botanique sur les roses, avec d'autres il s'est promené, parfois les acteurs "n'avaient rien fait". Le dogme de Gitaï: "Il faut qu'un acteur accepte de se libérer du temps pour le film, et de ne pas faire plusieurs choses à la fois"
Roses à crédit a été tourné à Goussainville. Drôle de lieu pour un tournage puisque cette ville, située près de Roissy et de l'aéroport, est connue pour avoir été murée à cause des nuisances sonores. Le réalisateur a expliqué que le choix s'est porté sur cet espace encore intact et comme hors du temps parce qu'il avait des allures de petit village du début du siècle. Les décors n'ont pratiquement pas été changés, rien n'a été altéré, l'atmosphère était là.
Le réalisateur insiste sur le grande modernité du texte de Elsa Triolet. Si Martine (Marjoline dans le film) est encline à l'achat frénétique, son mari reste de marbre devant l'amoncellement d'objets. En visionnaire, l'écrivaine évoque l'oubli progressif des valeurs amorcé dans les années 50 au profit de la consommation. Pour reprendre Boris Vian, le cœur a été remplacé par l'électroménager et le jetable. Amos Gitaï rapporte pourtant qu'il a souhaité respecter l'époque et situer l'histoire dans les années 50 à l'instar du roman. Cela lui a permis de faire de son film une parabole sur le crédit et d'évoquer au plus près la perte de soi dans la marchandise. A propos du personnage de Marjoline, il explique qu'elle "appartient aux années 50 mais elle pourrait vivre à l’époque de Sarkozy. À cause de cela, j’ai refusé la première proposition de la production de transposer tout le film aujourd’hui. La distance historique de cinquante ans était nécessaire pour montrer quelqu’un qui n’est pas de notre temps, mais qui y ressemble".
Le réalisateur évoque les objets d'un point de vue original. En effet, s'ils sont au centre du film et constamment évoqués, le cinéaste en montre très peu. Il a choisi de les faire exister à travers le langage, à travers l'idée. Les objets sont ainsi très présents mais sur le mode de l'absence. Le réalisateur a expliqué que ce qui l'a intéressé avant tout ce sont les conséquences de l'objet sur les rapports humains. L'être est donc au centre du film et les objets gravitent et planent en périphérie des personnages. Ce procédé rappelle celui de Les Choses de Georges Perec, qui décrivait avec une telle minutie les objets du quotidien qu'il finissait par les obscurcir et les distancer. L'excès de réalisme avait sur le lecteur l'effet contraire, il n'y voyait plus rien.