Johann Struensee n'a que 34 ans quand il est exécuté pour crime de lèse-majesté. Nous sommes début 1772 et la "majesté" en cause est le roi Christian VII de Danemark (et de Norvège), qui n'a lui que 23 ans et en avait pourtant fait son homme de confiance, lui laissant le soin de gouverner à sa place pendant plus d'un an, période que le médecin allemand appelé à l'origine pour tenter de soigner le jeune souverain souffrant de graves désordres mentaux, pétri de philosophie des Lumières, mit à contribution pour réformer le pays en profondeur (de la vaccination de masse contre la variole à l'abolition de la torture, à la liberté de la presse et à l'amorce de la fin du servage). Le Conseil privé du roi qui menait les affaires du double royaume avant son démantèlement à l'initiative de Struensee, avec l'aide de la reine douairière Juliane (la marâtre de Christian, qui voudrait que la couronne revienne à son propre fils, Frédéric, alors âgé de 19 ans) parvient à le déconsidérer aux yeux du souverain, en mettant sur la place publique la "Royal Affair", c'est-à-dire la liaison de Struensee avec l'épouse de Christian, la jeune soeur du roi d'Angleterre, George III, Caroline-Mathide de Hanovre, sa propre cousine germaine épousée alors qu'il avait 17 ans, et elle 15 (mariage malheureux). Cette liaison est d'autant plus scandaleuse qu'une petite fille en est née, Louise-Augusta, qui, bien que bâtarde avérée, ne sera pas reniée par Christian. L'amant décapité, l'amante est exilée en Allemagne, à Celle, chez son unique amie à la cour danoise, rapidement éloignée, Louise von Plessen. Elle y décède en 1775, sans avoir revu ses enfants. Cette page du 18ème siècle danois, méconnue (voire inconnue) en France est brillamment mise en scène et en images (superbes, avec éclairage "barrylyndonnien"), et plutôt très fidèle aux faits réels (petit bémol : les comédiens principaux sont tous plus âgés que leurs rôles ne l'exigeaient, et Struensee s'est toujours exprimé uniquement en allemand à la cour de Copenhague !). Mais au-delà de la reconstitution historique méticuleuse, le destin grandiose et romantique de Struensse et de Caroline-Mathilde, autant que l'influence des idées politiques nouvelles dans ce royaume du Nord qui en devient le laboratoire, font de cette fresque puissante un très beau moment de cinéma, grand spectacle, drame et réflexions. Le trio central étincelle : Mads Mikkelsen l'incontournable (Struensee), Alicia Vikander, au physique délicat à la Emily Blunt (Caroline) et l'excellent Mikkel Boe Folsgaard, Ours d'argent du Meilleur Acteur mérité à la dernière Berlinale pour son rôle de Christian VII. Tout est maîtrisé, élégant et passionnant (Ours d'argent du Scénario à la même Berlinale) : 2 h 16, qui passent comme un éclair ! Le cinéma danois est à l'honneur en ce moment (cf."La Chasse").