Le film démarre un peu timidement, c'est vrai. Caroline Mathilde va quitter son cottage britannique pour aller épouser un roi qu'elle n'a jamais rencontré. On lui a décrit Christian VII comme un garçon charmant et cultivé. Mais Caroline déchante vite : elle découvre que Christian est non seulement invivable, mais complètement fou. Le réalisateur nous présente ensuite Johann, humble médecin de la campagne, qui va se retrouver médecin personnel du roi. Cette première partie est agréable à suivre, mais assez fade. Les trois personnages principaux sont des figures assez revues dans le film historique. On pense avoir compris la trame du film, et on s'attend à passer deux heures légèrement ennuyeuses, malgré la superbe direction artistique. Quelle erreur ! Passé une première partie très académique, le film prend un envol éblouissant. Le médecin, devenu très aimé par le roi, décide d'en tirer parti. Avec Caroline Mathilde, il acquiert peu à peu une influence dans les affaires politiques du pays. Il oeuvre dans l'ombre pour mettre en pratique ses idéaux de liberté et d'égalité. Le réalisateur compose un personnage incroyablement ambigü : humaniste, généreux, mais aussi très manipulateur avec le roi, qui pourtant lui porte une amitié pathétique. Caroline Mathilde, loin d'être reléguée au second plan de l'intrigue, occupe une place forte tout au long du film. Duels de mots avec le conseil des ministres, tensions permanentes entre les personnages : à chaque minute du film, on a l'impression que tout cet univers repose en équilibre instable, que l'ensemble va s'effondrer. Struensee a tout du personnage Shakespearien : il croit fermement en son idéal, mais s'en détourne à plusieurs reprises : il utilise le roi comme un vulgaire objet, il rétablit la censure pour éviter les critiques, etc. Le trio d'acteurs est stupéfiant : Mikkel Boe Folsgaaard, en roi fou, est la révélation du film. Mais j'ai une préférence pour le jeu de Mads Mikkelsen, proche de la perfection, surtout vers la fin. La direction artistique est grandiose. On y retrouve (c'est vrai), le côté pittoresque et posé de Barry Lyndon, notamment dans les scènes d'intérieur. Royal affair, c'est deux heure et quart d'images inspirées et éblouissantes. En conclusion, malgré un début un peu figé, Royal affair est le film que j'ai préféré cette année : on est angoissé, transporté, dérangé, surpris, jusqu'au final bouleversant, que l'on est pas près d'oublier.