Quand on a débarrassé le film de tout un fatras technologique grandiloquent, de la violence bruyante et superflue, de la musique abusivement tonitruante, il reste une histoire plutôt intéressante. Un mercenaire qui se met au service de celui qu'il était censé neutraliser, ce n'est pas original, mais quand il s'agit d'opérer dans le monde des rêves, c'est déjà plus attrayant. Christopher Nolan pose quelques questions qui ne sont pas sans intérêt. A l'heure des mondes "virtuels" qui nous guettent derrière les écrans, il n'est pas inutile de réfléchir à la définition de la réalité, question philosophique qui tourmentait déjà un certain Platon. Il est également réconfortant de constater une fois de plus que ce qui constitue l'"humanité" ne pourra jamais se réduire à la seule technique, si sophistiquée soit-elle. Car le héros, Cobb (Léonardo Di Caprio tel qu'en lui-même), a beau descendre de plus en plus profondément dans l'inconscient de ses "victimes", emboîter les niveaux de leurs rêves comme des poupées russes, c'est toujours lui-même qu'il finit par rencontrer, ses souvenirs, ses remords et sa souffrance. L'homme est infiniment complexe et les émotions et sentiments déjoueront toujours les machines et les cocktails chimiques. Ce n'est pas un scoop non plus mais c'est intelligemment rappelé. Venue avec quelques préjugés, tant j'avais lu de critiques tantôt trop dithyrambiques pour être honnêtes, tantôt trop "pis que pendre" pour l'être aussi, j'ai fini par me laisser entraîner dans ce labyrinthe quelque peu freudien, en essayant de tenir fermement le fil d'Ariane ( délicieuse Ellen Page!). On n'évite pas toujours le mélo avec les deux "têtes blondes" qui surgissent un peu trop souvent dans l'image et surtout avec le personnage, bienheureusement secondaire, de mégère pleurnicharde interprété par Marion Cotillard - et je ne parle pas de la chanson d'Edith Piaf!... Mais l'étude quasi psychanalytique du processus de deuil nous concerne tous ainsi que celle des relations père-fils, pas forcément résolues en invoquant le seul Oedipe. Beaucoup d'habileté aussi dans l'utilisation des décors, derrière lesquels on entrevoit les clins d'oeil d'un réalisateur qui ne manque pas de culture cinématographique, de la pluie battante de "Blade runner" aux poursuites enneigées à la James Bond. Un film à double entrée donc : action et "effets spéciaux", un peu longuet, un peu lassant ou contribution astucieuse à l'exploration de l'inconscient humain qui mérite bien deux heures et demi d'attention.