Real Pretty Woman: lui, est un alcoolique venu à Las Vegas mettre fin à ses jours en buvant la bouteille de trop, elle, une prostituée battue par ses clients, violée et même tailladée au couteau par son mac'. Ces deux pauvres hères vont se croiser, reconnaître leur détresse dans l’œil de l'autre, et vont passer un contrat aussi tragique que morbide : il s'installe chez elle pour ne pas mourir seul dans un motel miteux, il lui paye son loyer, lui fait des cadeaux, partage ses chagrins et la fait rire, mais à la seule condition qu'elle le laisse se suicider à petit feu. On sent dès le départ toute la douleur sous-entendue par un tel contrat, on sait qu'ils vont s'attacher l'un à l'autre, peut-être même s'aimer, et le choix final reste incertain jusqu'au bout (ou plutôt, on aimerait tant qu'il le soit, mais l'on sait que le jeune homme est honnête et déterminé...). Dans le rôle du buveur en pleine déchéance, Nicolas Cage défend son personnage avec avidité et sincérité, on a souvent pitié de ce gars qui a perdu travail, dont la femme est partie avec le fiston, qui n'est bon qu'à s'attirer des ennuis. A ses côtés, Elsabeth Shue nous fend le cœur en dépeignant une triste réalité des prostituées, soumises à la violence masculine et au regard dédaigneux du reste de la société, bien loin des idéaux de Pretty Woman. D'ailleurs, on se prend souvent à penser que Leaving Las Vegas est l'écho plus mature et plus réaliste du film Pretty Woman, comme si l'on avait une version on the rocks gorgée de sucre ajouté (et petites tranches de fruits tout mimi), et que l'on nous servait ensuite la version dry, sans rien, pour les costauds. Mike Figgis parvient à filmer les scènes dénudées dans qu'elles ne deviennent vulgaires, en choisissant tantôt de les montrer comme des actes de violence, ou au contraire la possibilité pour la prostituée d'obtenir un peu de tendresse sincère, et d'en donner en retour dans un dernier acte déchirant (
faisant correspondre l'apothéose de leur amour avec le début de la mort, un suicide assisté par la jeune femme
). On arrive au générique de fin avec ce délicieux goût amer que seuls les bons breuvages savent laisser.