Alors là, nous avons l’exemple typique de la dualité holywoodienne : d’un côté vous avez un acteur connu qui a une passion pour un pays et sa culture et qui voudrait en faire un film, et de l’autre vous avez des producteurs qui veulent profiter de bankabalité de l’acteur mais qui veulent surtout faire un paquet de fric (plus que la mise de départ si possible !!). Et au milieu, vous avez un pauvre type, le réal, qui est partagé (comprenez « emmerdé ») car il voudrait faire plaisir aux deux côtés ! Keanu Reeves voulait donc adapter cette histoire que tous les Japonais connaissent : au début du 18ème siècle, 47 samouraïs, devenus des rônins après la condamnation à mort de leur maître, décident de venger ce dernier en exécutant le seigneur rival qui l'a conduit à sa perte. Basée sur des faits historiques réels, le « noble geste » des 47 rônins fut illustré par tous les arts japonais (littérature, théâtre, dessins, gravures, chansons, poèmes, estampes, cinéma, manga). Bref cette histoire est un véritable chef-d’œuvre du patrimoine culturel nippon. Idée louable, il faut l’avouer, mais qui n’est pas assez bien pour les producteurs qui ne pensent qu’en terme de rentabilité. Donc, pour que le spectateur occidental lambda soit intéressé un minimum par le film, ils décident donc : 01) d’inventer un personnage mi-anglais/mi-japonais pour que Keanu ait son rôle. 02) lui coller une histoire d’amour avec la fille de celui qui l’a recueilli (ça, ça va attirer les filles !) 03) balancer le folklore japonais à l’écran pour inséminer dans le film du fantastique pour pourvoir ainsi claquer des effets spéciaux derniers cris 04) convertir le film en 3D (ça rapportera toujours plus de fric…mais la vérité c’est que cette décision a été prise à la dernière minute et que cela a obligé le réal, Carl Erik Rinsch, à faire de nombreux reshoots et que la tension entre lui et Universal a été énorme jusqu’à la fin de la post-procution !!). Autant je peux comprendre l’insertion d’un personnage gaijin (comprenez «étranger», donc ici occidental) pour que Keanu soit présent au casting (oui, car soyons franc : Keanu grimé en asiatique cela aurait été vraiment ridicule !), autant je suis déçu par l’utilisation « bouche-trou » des mythes japonais : ils sont peu nombreux, souvent inutiles (la première scène avec la grosse bébête n’est qu’une pâle et mollassonne copie de l’introduction de "Princesse Mononoké") et même irrespectueux du mythe qu’ils sont censé illustrer (les Tengus qui ont une tronche de piaf ou encore la Kitsune qui est en fait une sorcière et qui peut prendre la forme d’un Dragon !!). Mais à côté de tout ça, "47 Ronin" n’est pas exempt de choses positives : on se laisse totalement envoûter par le charme d’un japon féodal coloré : sakuras fleuris, architecture nipponne, armures de samouraï stylées, château démesuré…il est évident qu’au niveau des décors et des costumes, il y a un boulot énorme et remarquable. Et toute cette magnifique reconstitution est soutenue par une photographie tout bonnement éblouissante qui demeure un véritable plaisir pour nos petites mirettes. Il y a vraiment rien à redire : l’esthétique est d’une beauté à toute épreuve. Et puis, l’idée d’avoir prit un casting essentiellement japonais est vraiment irréprochable en plus d’être logique (non mais, vous imaginez l’histoire des 47 rônins se déroulant aux USA avec que des blancs ? Il manquerait plus qu’ils fassent ça au temps du far west...ah…euh....mais merde, ils l’ont déjà fait ces cons avec "Les Sept Samouraïs" devenus "Les Sept Mercenaires"….pfffuuu, finalement on l’a échappé belle !!!) : Hiroyuki Sanada ("Ring 1&2", "Rasen", "Le Dernier Samouraï", "Sunshine", "Speed Racer", "Wolverine : le Combat de l'Immortel") est parfait en leader charismatique des samouraïs déchus, Rinko Kikuchi ("Babel", "Assault Girls", "Shanghai", "Pacific Rim") est très convaincante en sorcière vicieuse, le rôle du méchant ambitieux avec un zest de personnage shakespearien va comme un gant à Tadanobu Asano ("Tabou", "Gojoe", "Ichi The Killer", "Jellyfish", "Zatoichi", "Battleship", "Thor 1&2"), Kô Shibasaki ("Battle Royale", "La Submersion du Japon", "Dororo", "Shaolin Girl") incarne une charismatique fille de chef de clan malgré son rôle assez restraint à l’écran, et Cary-Hiroyuki Tagawa ("Mortal Kombat", "Pearl Harbor", "Elektra", "Hatchi", "Tekken)" incarne un Shogun des plus convaincant ! Et comme dernier point positif, je terminerais sur la fin du film qui, même si elle ne respecte pas celle de l’histoire originale, a le mérite d’éviter le méga happy end (ce qui finalement est assez couillu pour une super production USA dépassant les 150 millions de budget !!) et de nous proposer un grand moment d’émotion.
A défaut d’être une véritable daube, "47 Ronin" est un film moyen qui se regarde tout de même avec plaisir grâce notamment aux superbes images et décors qu’il propose. Mais au final, il reste un film qui a le cul entre deux chaises : rendre hommage à une culture et être rentable un maximum…et cela s’est malheureusement traduit par un flop au box-office aux USA et au Japon : les premiers ne se sentant pas intéressés par une histoire qui n’est pas la leur (faudrait un jour qu’ils comprennent qu’ils ne sont pas le centre du monde et que leur « culture » est quasi inexistante), et les seconds se sentant bafoués par les libertés prises avec l’histoire originale. Nous, européens, pouvons apprécier "47 Ronin" pour juste ce qu’il est : un film sympa sans plus qu’on ne regardera pas forcément une seconde fois qui a coûté bien plus qu’il ne l’aurait dû et qui aurait gagné en possédant plus d’action et en jouant plus sur les créatures mythologiques nippones.