Un film découvert en 2024 et qui constitue un vrai choc. Bien sûr le film jouissait d’une certaine réputation mais la découverte de cette pépite fut la forte révélation d’une œuvre majeure. Tout d’abord bien sûr, le texte, les dialogues, d’une qualité littéraire rare au cinéma, tantôt néo-philosophique, tantôt sarcastique, ou même parfois avec des blagues de potache. Rarement un film n’aura produit une telle variété de dialogues, si riches, si élégants, avec beaucoup d’humour aussi. De la modernité dans les thèmes abordés, toujours d’actualité, la liberté la femme, son indépendance, la liberté sexuelle jusqu’où ? Et même des questions posées en frontal que l’on oserait plus confronter en direct aujourd’hui. La liberté de ton, dans ses dialogues du style « un problème de Tampax coincé après une relation sexuelle trop appuyée » ou un commentaire surréaliste sur Jean Paul Sartre attablé aux « Deux magots » , à côté du héros Alexandre /Léaud qui va se moquer, sans pitié de l’icône, de sa tentation Maoïste, de son alcoolisme, et de sa montée ridicule sur un tonneau à Billancourt pour haranguer les ouvriers . Je crois que jamais le héros de « l’intelligentsia » parisienne n’avait été égratigné et moqué à ce point, depuis le cultissime «à l’ Agité du bocal » de Louis Ferdinand Céline, en 1948. Un régal de texte lu avec nonchalance par Jean- Pierre Léaud. La grande force du film c’est aussi le formidable jeu des acteurs : Jean Pierre Léaud dans le plus beau rôle de sa carrière, car Jean Eustache arrive à tirer de lui quelque chose de nouveau, bien loin du personnage de Doinel habituel joué et surjoué. Ici Léaud , bien coiffé, à l’allure de jeune premier romantique , joue avec beaucoup de densité et de profondeur , il est excellent . Les deux actrices sont formidables, Bernadette Laffont , icone de la nouvelle vague , avec plusieurs films cultes , comme la « Fiancée du pirate », et Françoise Lebrun actrice un peu oubliée , qui est épatante , qui se livre , qui nous émeut, c’est un peu sa vie personnelle qui se joue devant nous et qui est décrite puisqu’elle était la compagne de Eustache, sa voix fragile mais déterminée , sa tirade finale , pleine face caméra , sur l’amour, l’indépendance, le sexe libre , « la Putain », mais aussi l’envie de connaitre l’amour et non plus seulement de « baiser » , comme elle le répètera effectivement à multiples reprises ,de peut-être devenir mère « la maman » ,cette tirade , dure , éprouvante est une de plus belles scènes de l’histoire du cinéma , foudroyante ,radicale ,tout est là , totalement féministe , au sens originelle du mot celui des années 70, libératoire, libertaire , pas celui d’aujourd’hui , revisité wokiste par certains. Un film d’un grande puissance, à la fois esthétique, très belle image N& B, littéraire, une direction d’acteurs impressionnante, et même cette bande son atypique constituée par les passages de 33T vinyle,sur un tourne disque, par les héros en illustration de leur ressenti : Requiem de Mozart, Edith Piaf, ultra -original . Merci M. Eustache de ce moment de grâce, du pur cinéma.