Avant l'aube est le deuxième long métrage de Raphaël Jacoulot. Né en 1971 à Besançon, il se lance d'abord dans les Arts Plastiques (il fait les Beaux-Arts de Besançon) avant de faire la Fémis d'où il sortira diplômé du département réalisation en 2001. Il réalise ensuite des courts métrages, dont Le Ravissement, présenté à la Semaine de la Critique à Cannes. En 2006, il réalise son premier long métrage Barrage qui est présenté au Festival de Berlin. A peine celui-ci en salle, il se lance dans son projet suivant qui sort enfin. Parallèlement à son travail de réalisateur, le cinéaste participe à des expositions de peintures (on peut en voir certaines dans Barrage) et à la mise en scène d'oeuvres de théâtre.
Dans sa première scène dans le film, Jean-Pierre Bacri râle. Il est en effet connu, au cours de ses films, pour cela. Il était en 1985 dans Subway de Luc Besson "Batman", l'inspecteur maugréant et jurant tout au long du film (on se souvient de sa colère publique après la poursuite ratée du "roller" Jean-Hugues Anglade) et en 1992 il est même crédité dans le film Le Bal des casse-pieds de Yves Robert comme "l'automobiliste irascible". Cette image qui lui colle à la peau est utilisée dans le film, mais pour subtilement jouer avec les attentes des spectateurs. Ainsi Raphaël Jacoulot s'explique: "Dans la première séquence où Jacques arrive et engueule son fils, nous sommes en terrain connu. On a l'impression de connaître Jacques. Je me sers de Jean-Pierre pour créer une familiarité, une sympathie et ensuite, on ouvre sur le personnage qui existe au-delà du comédien."
Vincent Rottiers a beau n'avoir que 25 ans, il a déjà dix ans de carrière, et pas n'importe laquelle. Son premier film de cinéma, Les Diables, sort en 2002. Tout de suite repéré, il joue ensuite dans Narco de Gilles Lellouche et Tristan Aurouet. On le retrouve ensuite dans des "grosses productions" françaises comme L' Île aux trésors d'Alain Berbérian, L' Ennemi intime de Florent Emilio Siri ou Les Femmes de l'ombre de Jean-Paul Salomé. Mais c'est en 2009 que sa carrière décolle vraiment avec trois beaux films où il joue le rôle de jeunes écorchés et un peu voyous: Je suis heureux que ma mère soit vivante de Claude et Nathan Miller, A l'origine de Xavier Giannoli et Qu'un seul tienne et les autres suivront de Léa Fehner. Avec ce premier rôle dans Avant l'aube, il confirme être l'un des jeunes espoirs du cinéma français.
Raphaël Jacoulot revient sur ce qui lui a donné l'envie de faire ce film: "Je voulais continuer à explorer le thème de la famille qui existait dans Barrage, mon film précédent, mais aussi dans mes courts métrages. Plus particulièrement les dysfonctionnements qui compromettent la cellule familiale. Ici, il y avait le désir de raconter d'une part une famille bourgeoise dominée par la figure de Jacques, une famille troublée par le conflit entre le père et le fils. (...) Et d'autre part, je voulais raconter l'histoire d'un jeune homme, Frédéric, qui se cherche une famille d'adoption et plus spécifiquement un père."
Alors que le premier film de Raphaël Jacoulot, Barrage, se plaçait clairement dans une certaine tradition de cinéma d'auteur, Avant l'aube se nourrit des codes du film policier: une disparition, des soupçons, une policière. Un changement de direction? : "Avec Lise Macheboeuf, la scénariste, nous avions envie d'une intrigue policière car c'est un genre que j'affectionne et c'était aussi un moyen d'ouvrir mon univers vers le public", explique le cinéaste.
La question du genre ne se pose donc pas pour Raphaël Jacoulot qui préfère penser avant tout aux personnages: "C'est ce qui m'intéresse le plus, la création des personnages et le rapport aux comédiens qui vont les incarner. (...) A chaque moment de la fabrication du film, mon travail a été guidé par une approche que j'espère la plus juste et la plus précise des personnages, pour qu'ils soient complexes, nuancés, subtils", confie-t-il.
Il y a un parallèle dans le film entre l'opposition entre la vallée et la montagne et l'opposition entre l'univers prolétaire de Frédéric et celui, bourgeois, de Jacques. Deux mondes qui s'interpénètrent sans se mélanger: "Cette question des rapports de classes était importante dans l'écriture du scénario et dans la mise en scène. J'aime beaucoup La Cérémonie de Claude Chabrol. Chez lui le bourgeois doit être massacré pour que quelque chose advienne. Ce n'est pas le sujet de mon film, et même s'il y a un constat d'échec à la fin dans le rapprochement des mondes, j'ai veillé à ce qu'il y ait un rapprochement sincère entre les personnages de Jacques et Frédéric", précise le cinéaste.
Figure du cinéma français d'aujourd'hui, Jean-Pierre Bacri est pourtant un acteur rare à l'écran. Ainsi, depuis 1999, il n'a guère joué que dans neuf films (dont les trois films de sa compagne Agnès Jaoui, Le Goût des autres, Comme une image et Parlez-moi de la pluie). Il choisit de travailler dans des projets qui lui tiennent à coeur, souvent pour des amis comme Alain Chabat (qu'il côtoie dans La Cité de la peur et pour qui il joue dans Didier et Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre) ou son partenaire de Cuisine et dépendances Sam Karmann (Kennedy et moi), ou dans des projets ambitieux et originaux tels Selon Charlie de Nicole Garcia, Adieu Gary de Nassim Amaouche(dernier film du comédien Yasmine Belmadi, mort peu après dans un accident de deux roues) . Sa présence dans Avant l'aube est donc une marque de confiance pour le jeune réalisateur Raphaël Jacoulot.
On retrouve à la tête du projet Avant l'aube, le célèbre Dominique Besnehard. Acteur pour des grands réalisateurs comme Maurice Pialat (Passe ton bac d'abord, A nos amours), Jacques Doillon (Un sac de billes, La Drôlesse, La Fille prodigue) ou Claude Berri (Je vous aime), il est surtout connu en tant que directeur de castings et surtout de "découvreur de talents". Il est ainsi à l'origine de la révélation de Béatrice Dalle (37°2 le matin), ou de Juliette Binoche (La Vie de famille). Il exerce aujourd'hui essentiellement sa fonction d'agent artistique à la tête de l'agence Artmedia (il est l'agent de nombre des plus grandes actrices françaises, de Sophie Marceau à Jeanne Moreau, d'Isabelle Adjani à Eva Green, de Vahina Giocante à Laetitia Casta). Mais il est aussi producteur par le biais de sa société Mon Voisin Productions, soutenant des films tels L' Age des ténèbres de Denys Arcand, Musée haut, musée bas de Jean-Michel Ribes ou encore de ce film de Raphaël Jacoulot.