Révolutionnaire pour l'époque, la mise en scène et le montage des films prirent une autre ascendance (...ou pas !).
"Un homme et une femme" est un film mythique dont l'aura n'est plus à démentir. Son réalisateur, Claude Lelouch, présente en 1966 une toute autre manière de filmer le caractère et les points de vue de ses personnages, en particulier, mais aussi les décors et les tourments d'une histoire banale (le script, l'idée originale).
Basé sur un scénario pas des plus inventifs (un veuf et une veuve vont s'aimer par à coups) mais pris de haut par le jeune réalisateur en herbe (avec seulement cinq films à son actif dont "L'amour avec des si" et "La femme spectacle" avec le regretté Jean Yanne notamment), cette histoire d'amour et de pasionara a déchiré le monde entier. Sur une règle d'écriture toute simple, Lelouch fait de ce long-métrage le déclenchement des foudres des critiques sur sa manière de filmer. D'abord adulé par la critique, il est ensuite rejeté par le mouvement d'époque, la "nouvelle vague", concept sorti de la plume de Françoise Giroud, journaliste, en 1957 et repris par Pierre Billard l'année suivante. "A bout de souffle" de Godard en 1960 en est le film témoin.
1966 marque pour Lelouch l'année de la consécration : entre Cannes et Los Angeles, la pluie de récompenses (Grand Prix, Oscar du meilleur film...) n'est mérité que par le fruit de son travail, grâce notamment à la rencontre Jean Louis Trintignant-Anouk Aimée, apportant toute leur fraîcheur et leur sensualité au service du thème (de l'amour), diablement bien maîtrisé.
Trintignant est ici tout en retenu et apporte à son personnage une touche indécise en mari veuf. Les sentiments qu'il éprouve envers Anouk Aimé sont si pieux que le spectateur arrive à les capter. Idem pour Anouk envers Jean-Louis. Deux coeurs indécis pour deux âmes en peine ...d'être perdues à jamais ! Trintignant, qu'on avait déjà vu dans les Vadim ("Et dieu créa la femme", "Les liaisons dangereuses") et "Compartiments tueurs" de Costa Gavras impose son jeu et l'on retient une performance notable de son charisme, pris à parti par un Lelouch étincelant. Claude laisse aussi son autre partenaire de jeu improviser, et Anouk Aimé, juste après le triomphal et sublimissible "Dolce Vita", forme avec Trintignant un couple irrésistible sur les affres du convolage, thème difficilement abordable à l'époque, et bien souvent censuré.
Les seconds couteaux sont eux aussi bien affutés, car emmenés par Pierre Barouh (rencontré sur les tournages de "D'où viens tu Johnny", "Le gendarme de St Tropez", et plusieurs Lelouch, "Le courage d'aimer" par exemple), Valérie Lagrange (vue dans "La jument verte" et "Un homme à abattre" de Philippe Condroyer notamment) et Souad Amidou (découvert sur "Un homme et une femme" et revue dans "Maladie d'amour" de Deray, "Munich"...).
Sur une réalisation tonitruante et une interprétation décapatante, la musique incontournable et désormais culte de Francis Lai, Pierre Barouh et Nicole Croisille a fait le tour du monde pour les inconditionnels et les nostalgiques de l'année 1966.
La scène la plus culte est sans conteste celle où Trintignant et Anouk courent et s'embrassent sur la plage de Deauville.
Pourquoi je n'ai pas adhéré ? Bien que l'ensemble soient bien amené et construit, on se sent à l'écart de l'histoire de part l'étonnante virtuosité technique qui ne nous accroche pas vraiment. La réalisation de Claude fait aujourd'hui vieillote (montage technique, travellings légèrement longs à la Melville, un N&B certes crépitant mais émouscaillé et donc forcément décrépi), l'ennui nous guette un peu malgré les relances généreuses du thème musical et des partitions un brin décalé de l'interprétation générale (la direction de Claude, sans doute). On suit finalement aujourd'hui ces marivaudages de situations uniquement pour un film (culte, il faut bien le dire !) qui fit parler de lui en son temps. Uniquement. Vraiment dommage.
Spectateurs, asseyez vous bien car Claude pourrait vous tendre un piège à Deauville ce soir. Lequel ? Celui de vous endormir en N&B !!