Ces deux dernières années, la meilleure note estivale de ces critiques a chaque fois été raflée par les productions Pixar : "Ratatouille" en 2007, et "WALL-E" en 2008. Il y a de fortes chances qu'il en soit de même cet été, sauf si le Tarantino ou l'Audiard sont à la hauteur des attentes qu'ils suscitent. Pourtant, la bande-annonce ne m'avait pas donné très envie : un papi qui part en voyage aérien avec sa maison encombré d'un scout grassouillet, ça ne me semblait pas du niveau d'un rat chef dans un grand restaurant ou d'un robot ramasseur d'ordures.
Les premières minutes ont suffi à me débarrasser de cette appréhension : tout d'abord une bande d'actualités Movietone présente les exploits de l'explorateur Charles Muntz, permettant de placer des indices pour l'action qui va suivre immédiatement, mais aussi pour celle qui se déroulera sept décennies plus tard. Puis la rencontre entre le tout jeune Carl, un peu empoté et malchanceux, et la non moins jeune Elie, gamine survitaminée qui va bouleverser la vie du garçon.
Leurs soixante ans de vie commune nous sont montrées en quelques minutes virtuoses, tout en ellipse set en subtilité. L'infertilité du couple est évoquée en un traveling latéral de quelques secondes, mêlant délicatesse et émotion. Dans cet épisode aussi sont posés des jalons qui expliqueront la suite de l'histoire, comme le dessin bigarré de la maison au bord des Chutes du Paradis, qu'on retrouvera dans la décoration de leur pavillon, mais aussi dans la grappe de ballons multicolores et dans le plumage chamarré du Dabou.
On retrouve un peu l'opposition de WALL-E et d'EVE dans ce couple si attachant ; Carl est maladroit et cubique : tête, mâchoire, oreilles, alors qu'Elie est aérienne et courbe. Même leurs fauteuils présentent ces caractéristiques géométriques. Et puis, face ou aux côtés d'un héros aussi atypique, il y a une galerie de personnages réjouissants : Russell, le jeune scout qui cherche à obtenir son badge d'aide aux personnes âgées, délaissé par son père, bavard, agaçant, mais touchant quand il découvre qu'il ne raconte rien d'intéressant ; Kevin (nom donné par Russell, forcément...) le dabou, sorte de croisement entre un dodo et un vélociraptor, en beaucoup plus pacifique ; Doug, l'incarnation du bon toutou affectueux, gaffeur et dévoué. Les méchants ne sont pas en reste, avec une mention spéciale pour le chef de la meute, à qui les dessinateurs ont fait une tête de Batman.
Comme toujours chez Pixar, les citations directes ou implicites ne manquent pas, comme Carl tirant sa maison pour atteindre le haut des chutes et qui évoque Rodrigo Mendoza traînant le filet de son attirail de mercenaire dans "Mission", ou les biplans sortant du zeppelin de Charles Muntz et qui rappellent la scène du duel aérien dans "Indiana Jones et la dernière Croisade".
Le demi-point supplémentaire accordé à "Là-haut" par rapport à ses deux prédécesseurs se justifie par la constance du rythme : il n'y a aucun fléchissement dans la narration, avec une alternance de scènes d'action et de moments plus tournés vers les personnages, et des surprises renouvelées, même si la morale de l'histoire reste assez prévisible.
Une nouvelle fois, Pixar offre un spectacle intelligent pour tous, avec un récit visible au premier degré par les enfants, et une lecture adulte passionnante, entre citations cinématographiques, plaisir de l'analyse filmique et bonheur esthétique. Même si c'est évidemment un film à montrer aux enfants, "Là-haut" fait partie de cette nouvelle génération de dessins animés où il n'est plus besoin de prendre en otage un fils ou un neveu pour légitimer son plaisir de savourer un tel régal : un grand merci à M. Lasseter et ses acolytes.
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