Le cinéma d'horreur français est un genre bien particulier, peinant énormément à se faire une place au milieu des innombrables drames et comédies. Pourtant, parfois, à l'instar d'Alexandre Aja en 2003 avec Haute Tension, sort un film de genre français se voulant extrêmement radical et sans concessions, comme une manière de crier au monde "Regardez, nous aussi on sait le faire !" Adulé par certains, haï par d'autres et ayant fait coulé énormément d'encre à sa sortie, Martyrs fait parti de ceux-là et reste encore aujourd'hui un des films d'horreur français les plus importants de ces vingt dernières années.
Le film s'articule autour de deux parties (ou plutôt deux parties entrecoupées d'une petite partie transitoire au milieu), à la fois radicalement différentes mais se complétant également de manière assez brillante, comme deux faces d'une même pièce, la première étant la conséquence de la seconde. La première partie explore donc le traumatisme de Lucie, jeune femme ayant parvenu à échapper à ses ravisseurs et bourreaux à l'âge de dix ans. Quinze années plus tard, elle les retrouve et décide de les assassiner, appelant à la rescousse son amie d'enfance Anna. Tout dans cette première partie est à l'image de l'esprit de Lucie ; chaotique, confus, bruyant et violent. Tout le monde hurle, frappe, se jette, se cogne, poignarde, tue. Il est d'ailleurs déjà temps de congratuler les deux actrices principales, Mylène Jampanoï et Morjana Alaoui, qui ont clairement énormément donner sur ce film. Cependant, si musclées, impressionnantes et époustouflantes que soient les 45 premières minutes, il est assez dommage de constater, une fois arrivé à la fin du film, qu'elles l'ont malheureusement quelque peu empêché d'entrer plus rapidement dans le vif de son sujet. Pascal Laugier semble s'être légèrement perdu en voulant ajouter à Martyrs tout l'aspect "monstre fantastique", qui finalement ne sert pas à grand chose si ce n'est à offrir un petit twist qu'un minimum d'attention de la part du spectateur aura réussi à percer bien avant sa révélation.
Après donc une petite partie intermédiaire servant au film à réellement entrer dans le cœur de son propos, la deuxième partie est elle à l'image du mystérieux groupe de ravisseurs ; calme, détachée et méthodique. En effet, la torture infligée au personnage d'Anna est d'autant plus glaçante qu'elle est totalement froide et impersonnelle, motivée par rien d'autre que la peur qu'ont les bourreaux de leur propre mortalité, ce qui est une idée assez géniale. On reproche d'ailleurs souvent au film de ne révéler la clé de son intrigue que dans ses toutes dernières minutes, ce qui n'est pas tout à fait exact sachant qu'une grosse partie du propos est déjà énoncée juste avant le début de la torture d'Anna. Les 30 dernières minutes sont donc à l'exact opposé des 45 premières ; les coups ne suscitent plus de cris, on cherche à faire couler le moins de sang possible, on ne cherche plus à se débarrasser violemment de sa souffrance mais à l'accepter, on est plus dans la spontanéité mais dans la résignation. Le montage, tout en fondu au noir, transmet parfaitement au spectateur cette impression d'assister à de courts flash d'une interminable torture.
Le film est loin d'être parfait. En effet, certains choix de mise en scène sont discutables, parfois même à la limite de la faute de goût et certains personnages comme celui de "Mademoiselle" tombent clairement dans le grotesque, mais les performances des deux actrices principales, le maquillage et les effets visuels convaincants ainsi que le geste de Laugier, suffisamment brut et sincère, parviennent à éviter à Martyrs de n'être qu'un effort vain pour au final en faire une modeste réussite.