Baz Luhrmann, connu pour son style flamboyant et son goût pour le spectaculaire, prend un pari audacieux avec "Roméo + Juliette" en plongeant la tragédie séculaire de Shakespeare dans le chaos coloré et frénétique du 20ème siècle américain. Ce choix crée un contraste saisissant entre le langage poétique de l'époque élisabéthaine et le décor urbain moderne, marqué par des gangs rivaux et des fusillades, offrant une lecture contemporaine qui oscille entre le génie et le décalage.
Le casting brille par la présence de Leonardo DiCaprio et Claire Danes, dont les performances captivantes donnent vie à ce couple maudit avec une intensité et une fragilité touchantes. Leur alchimie à l'écran est indéniable, insufflant au récit une authenticité et une émotion qui transcendent le cadre atypique. Toutefois, ce choix de modernité n'est pas sans conséquences. Le mélange d'éléments classiques et contemporains parfois s'harmonise avec une étonnante efficacité, mais il arrive aussi qu'il crée une dissonance qui peut détourner de l'essence tragique de l'histoire.
La direction artistique et les costumes, imaginés avec une audace qui frise parfois l'extravagance, apportent une dimension visuelle époustouflante au film. La musique, élément central de la trilogie du rideau rouge de Luhrmann, joue ici encore un rôle prépondérant, tissant une bande-son éclectique qui accompagne les hauts et les bas émotionnels du récit. Cependant, cette même audace visuelle et sonore peut par moments écraser le texte de Shakespeare, rendant certaines scènes plus confuses qu'éclairantes.
L'approche de Luhrmann envers le texte classique est à la fois sa plus grande force et sa principale faiblesse. En conservant le dialogue original, il rend hommage à l'œuvre de Shakespeare, mais cette fidélité peut paradoxalement aliéner certains spectateurs, perdus entre deux époques. D'autre part, cette juxtaposition audacieuse révèle des thèmes universels et intemporels, tels que l'amour, la haine, et le destin, qui résonnent toujours, quel que soit le cadre.
"Roméo + Juliette" se distingue par son ambition et sa créativité, mais n'échappe pas à une certaine incohérence dans son ensemble. Le film est un kaléidoscope de brillance et d'excès, où chaque scène oscille entre le coup de génie et le caprice esthétique. C'est cette même irrégularité qui, bien qu'elle en fasse une expérience inoubliable, empêche l'œuvre d'atteindre la perfection. Elle invite à une réflexion sur la manière dont les classiques peuvent être revisités et sur les limites de l'expérimentation artistique.