Tom DiCillo a déclaré : « Notre monde est de plus en plus fasciné par la célébrité et le show business, et je suis moi-même de plus en plus fasciné par cette fascination. » Soit. On comprend donc le choix de ce sujet, et la volonté satyrique du réalisateur. Certains passages confirment ce propos, comme celui où les assistants de K’Harma lui lisent la lettre de ses parents qui annoncent leur intention de réclamer 7 millions de $ pour ses frais d’éducation, ou le clip de la même K’Harma, où elle débite ses paroles sirupeuses en sous-vêtements de cuir sur un ring de boxe en dansant une choré digne de Kamel.
Mais à vouloir parodier les contes de fées des tabloïds, DiCillo finit par tomber dans le travers qu’il entend stigmatiser, et la dénonciation se limite trop souvent à un humour pesant, style Elvis Costello himself annonçant qu’il prépare une comédie musicale sur la vie de Britney Spears, ou les parents de Les se scandalisant que leur fils ait osé photographier une vedette de série télé en pleine érection.
DiCillo aligne consciencieusement tous les poncifs du genre La princesse et le Ramoneur, et on attend sagement le grain de sable qui dynamitera le gâteau rose bonbon. Quand Les se sent trahi par Toby devenu star d’une série pour ados, et qu’il bricole un vieux Leica en flingue d’agent secret bulgare, on espère que Tom DiCillo et lui iront jusqu’au bout et que le récit se rapprochera enfin d’une version Fan de de "La Valse des Pantins". Las, tout rentre dans l’ordre, et on se retrouve avec une morale diablement ambiguë, où une nouvelle fois le rêve américain a fonctionné, et où Les semble finalement se contenter de l’aumône d’un salut de sa nouvelle star d’ex-pote.
Certes, on retrouve par moment ce qui faisait le charme de "Ça tourne à Manhattan" : la tendresse pour la mauvaise foi des mégalomanes, la fascination pour le système D et la carabistouille élevés au rang de stratégie, l’insertion du récit dans la vie new-yorkaise. La manière de filmer est la même, avec la caméra portée à l’épaule, la mise au point qui se cherche, et une image aux contrastes saturés. Certains détails font sourire, comme ces têtes de rongeurs présentés sous forme de trophées de chasse, ou la manie de Les d’énoncer une règle n° 1, jamais la même.
Mais ces qualités ne font pas oublier la déception qui se transforme parfois en gêne devant le jeu sans nuance de Steve Buscemi, dont les mimiques outrées finissent en troubles obsessionnels compulsifs. Trop sage, trop conventionnel, trop prévisible, "Delirious" ne confirme pas les promesses de "Ça tourne à Manhattan", et ne ressort finalement pas du lot des teen movies qu’il prétendait pourtant caricaturer.
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