20 ans après, j'aime toujours autant "Chungking Express", son scénario malin mais franc, ses acteurs à la beauté sublime, sa mise en scène constamment inspirée, contribuant de manière prodigieuse à la finesse de la narration, et surtout, surtout, ce romantisme urbain qui me touche à chaque fois en plein coeur. Moins abstrait, moins intellectuel sans doute que "Nos Années Sauvages" ou "Happy Together", moins splendide formellement que "In the Mood for Love" ou "2046", "Chungling Express" est sans doute le film le plus imparfait, et donc le plus simplement humain de Wong Kar Wai, peut-être parce qu'il est irrigué par l'énergie d'un quartier, d'une population qui y vit, y travaille, y aime et y souffre, et que Wong Kar Wai laisse exister à l'écran. "Chungking Express" est toujours, 20 ans après, le mélange parfait entre les théories de Godard et le post-moderniste publicitaire qui, justement, tua le cinéma moderne : une vraie oeuvre d'art qui accepte d'avoir été contaminée par la culture pop, qui essaye - et réussit fréquemment - de retrouver la grâce primitive de gestes amoureux que le vidéo-clip et la pub ont trivialisés, "marchandisés". C'est aussi un film drôle et joyeux dans sa vision désespérée de l'avenir - solitaire évidemment - de l'homme urbain du XXIeme siècle qui était sur le point de se confirmer. C'est enfin une occasion de plus de s'émerveiller devant la grâce, la sensibilité, le mystère souriant qu'est Tony Leung, pour moi l'un des trois plus grands acteurs de notre époque.