Chungking express raconte deux histoires de flic et de leurs amours difficiles dans le Hong-Kong grouillant et populaire de la fin du XXème siècle. Et je dois le dire, Chungking expres m’a fait énormément de bien : si on retrouve ici les thèmes des autres films de WKW, la solitude, la ville et les amours contrariées, tout est ici tourné sous le ton de la légèreté, de l’énergie et de la comédie, là où Nos années sauvages par expl était lent et solennel. La réalisation survitaminée du film fait sienne l’air de joyeux chaos qui règne dans la métropole chinoise, ralentis décomposés, éclairages néons, décadrages, débullages, caméra épaule le tout sur un montage très rapide, presque clippesque, tant le réal utilise et réutilise nombre de morceaux qu’il n’hésite pas à répéter comme on ferait tourner en boucle sa chanson préférée. Cet aspect très artificiel de la réalisation pourrait dégoûter le spectateur en donnant l’impression de nous infliger une pub d’1h40 mais WKW contourne habilement cette difficulté par 1 des dialogues drôles et poétiques où les flics utilisent justement tous les objets de la sct de consommation pour décrire leurs tourments amoureux, ce qui a pour effet de donner une étonnante profondeur à ces objets qui envahissent l’écran (bouffe, magasins, télés, vêtements, alcool musique et j’en passe encore), par 2 les formidables interprètes de ses personnages (et il faut dire vraiment, tous, combien ils sont l’âme du film, combien ils sont irradiants et essentiels ici), et finalement par 3 la structure du récit où la durée à l’écran (ainsi que les chances de réussite) de l’histoire d’amour de chaque flic est asymétrique, la première env 40 min, l’autre 1 heure, ce qui donne ce côté vivant, terriblement spontané et libre au film, d’où ressort bcp de sincérité. Autre aspect de cette esthétique pop qui pourrait poser pb mais que WKW résout encore : la vitesse. Le film pourrait facilement sembler épuisant, mais l’utilisation de la voix off pour créer des moments de pause et de répit dans le récit nous permet toujours de reprendre notre souffle, le film jouant sur les deux dimensions de la grande ville moderne : masse infinie d’êtres humains et sentiment de vitesse/petits recoins (les appartements, les bars vides la nuit, un resto de rue peu fréquenté) de solitude où tout se pose et où le temps peut enfin s’arrêter. Dernièrement, j’aimerais aborder l’écriture du film, dont j’ai lu que certains la trouvaient inexistante : le film m’a donné l’impression inverse, et quelle grâce dans ce chassé-croisé amoureux entre Tony Leung et Faye Wong ! Les scènes où celle-ci s’introduit dans son appartement et s’échappe sans se faire prendre comme une petite souris quand celui-ci revient chez lui avant qu’elle ne l’ait prévu sont merveilleuses ! Quelle grâce dans tous ces petits stratagèmes qu’elle invente pour lui plaire et par timidité pour ne pas avoir à lui révéler frontalement ses sentiments ! Voilà tout ce qui fait de Chungking express un film magistral libre vivant et surtout terriblement émouvant.