Avec la comédie, le film mosaïque est à la mode dans le cinéma français. Sur les traces de Pascal Thomas ou de Nicole Garcia, de nombreux réalisateurs pensent qu'il suffit de choisir quelques personnages atypiques, de les placer dans un lieu bien défini (une station balnéaire en hiver, un appartement), de déterminer la règle qui préside à leurs rencontres et hop, ça fait un film.
Malheureusement, n'est pas Robert Altman qui veut. "J'attends quelqu'un" est l'exemple même du fait que l'addition de situations semi-loufoques et de personnages inclassables ne suffit pas à composer un récit cohérent. Cette impression d'une suite de sketches est renforcée par le ait que certaines de ces scènes peuvent toucher, ou amuser, mais juste sur une réplique ou une situation, comme cet étonnement de tous en découvrant que Louis lit du Flaubert, ou la plaisanterie cruelle d'Agnès qui fait semblant de ne pas connaître Louis, comme si la maladie de leur mère était une bonne plaisanterie.
Malgré la forme moderne, les fils narratifs sont bien classiques, pour ne pas dire clichés : le client de la prostituée qui en tombe amoureux, le garçon prodige de retour au pays qui essaie de voir la femme qu'il a abandonnée avec un enfant, la femme en couple depuis des années qui se laisse tenter ailleurs. Jérôme Bonnell hésite en plus dans le traitement de toutes ces histoires ; plutôt convaincant quand il choisit un ton enlevé, comme pour l'adoption forcée du chien, il sombre corps et biens dans la mièvrerie quand il prétend la jouer dramatique.
Ce genre de film repose en général sur la distribution, permettant une revue d'effectif des acteurs français. Donc, Daroussin fait du Daroussin, et c'est plutôt bien, notamment quand il imite Steevie Wonder, chant et scénographie. Emmanuel Devos m'horripile encore plus que d'habitude avec son faux naturel, et c'est peu dire. Quant à Eric Caravaca, il incarne avec justesse et fragilité son personnage d'éternel inquiet prêt à se noyer dans un verre d'eau. Très bien accueilli par la critique - mais apparemment pas aussi bien par le public, "J'attends quelqu'un", outre son titre passe-partout lui aussi à la mode ("Je crois que je l'aime", "Je pense à vous", "Je vais bien, ne t'en fais pas"...) se regarde avec un certain ennui, et s'oublie aussi vite qu'une bonne partie de la production française du moment qui ne brille pas par l'originalité et l'audace.
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