François Ozon est un cinéphile averti, et une nouvelle fois après "8 Femmes", il a décidé de réaliser un film hommage. Cette fois, il a pris pour référence, mieux, pour modèle, les mélodrames anglosaxons des années 30 et 40 : "Les Quatre Filles du Dr March", "Autant en emporte le Vent" ou "La Splendeur des Amberson".
Le problème, c'est que quand Ozon rend hommage, il se lance dans une reconstitution scrupuleuse, tant dans le choix des décors, des costumes, que des dialogues et du montage. Il oublie d'introduire une distance, un clin d'oeil qui dirait au spectateur : "Je sais, et vous savez, que tout ça c'est pour de faux". Ainsi, il utilise des transparences pour faire défiler le Palais de Westminster derrière la calèche de Theo et d'Angel, la transformant en tapis volant, et des toiles peintes pour figurer l'Acropole ou les Pyramides. Mais à la différence d'"O.S.S. 117, La Caire Nid d'Espions" qui dépasse la citation pour se situer dans la parodie, "Angel" se suffit à être "à la manière de".
Donc, allons-y à fond dans le registre "grandeur et décadence". En conséquence, Angel nous est dépeinte comme un croisement de Scarlett O'Hara et de Barbara Cartland avec 80 ans de moins. Dans son Xanadu, elle joue de la harpe en déshabillé rose, et proclame des inepties du genre "J'aime bien Shakespeare, sauf quand il essaie d'être comique".
"Angel" est une adaptation du roman paru en 1957 de l'écrivaine britannique Elizabeth Taylor. Ozon explique : "Dans le roman, le personnage est souvent grotesque, le regard sur elle, ses livres et son comportement est très ironique. Taylor reconnaît sa capacité à écrire, à avoir du succès, mais se moque beaucoup d'elle et la décrit comme étrange et laide. Il ne me semblait pas possible d'accompagner un personnage aussi franchement négatif pendant deux heures, alors qu'à la lecture la cruauté passe beaucoup mieux. Il fallait que l'on soit aussi charmé par elle, que l'on puisse s'attacher à elle sans gommer pour autant son côté insupportable ou une certaine forme de méchanceté."
Je ne suis pas persuadé qu'il ait réussi dans ce dessein : Angel reste une pimbèche insupportable, et même quand elle souffre, elle continue à être pathétique et exaspérante dans son incommensurable égoïsme. Quand elle s'active pour la paix, ce n'est pas pour un idéal, mais juste pour ramener son mari, et plus important à ses yeux, pour laver l'affront qu'il lui a fait de lui préférer son devoir. Nicole Kidman avait été pressentie pour le rôle d'Angel. François Ozon lui a préféré Romola Garaï, essentiellement parce que le rôle débute à 16 ans. Certes, cette dernière apporte bien un côté vulgaire et canaille au personnage d'Angel. Mais je ne peux m'empêcher d'imaginer ce que la Nicole Kidman de "Dogville" aurait pu rendre de plus complexe et d'ambigu.
Trop bien fait, trop lisse, trop prévisible, "Angel" se regarde un peu comme ces vieux films qu'on mate par désoeuvrement sur TCM, l'éclat du technicolor en plus. Et comme au bout de 135 minutes, il n'y a plus que François Ozon pour s'intéresser encore à son personnage, on s'ennuie ferme.
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