Un film très fort, à la densité surprenante. Brisseau arrive à produire une œuvre pleine de puissance, envoutante, en mélangeant plusieurs genres. Le 1er et le plus surprenant, est peut-être cette mise en abime de sa création cinématographique. C’est un film sur la préparation au tournage d’un film à venir, mais qui se déroule en fait sous nos yeux. C’est le principe du célèbre tableau de Velázquez « Les Menines « , ou le peintre est au centre du tableau , en train de peindre le tableau ,que nous admirons, nous spectateurs, déjà finit déjà. ! Brisseau fait tourner des essais à des filles, pour un film annoncé, que l’on ne verra pas, puisque on vient de le regarder. Cette sensation est très rare au cinéma, c’est très troublant et c’est une en grande réussite. Ensuite il ya toutes ces interviewes féminines, en caméra légère, sur le plaisir sexuel, sur la nudité et sur les fantasmes, et c’est très fort Il y a une liberté de ton très rare sur ce sujet. Une vraie écriture érotique de Brisseau . On reconnait sa force qui sait faire parler/réciter ! , les jeunes filles, qu’il « séduit » quelque part , par son charisme, et arrive à les pousser très loin, à se confier . D’où le 3e thème du film qui évoque les soucis de justice qu’il a eut lors de son film précédent ( le très beau " Choses secrètes") , avec des plaintes en justice. On comprend le niveau de risque auquel il évolue. Car les filles sont contentes de confier leur fantasme, mais Brisseau est probablement « border line » quand il les poussent. Il y a un côté « attirances et séductions mutuelles » dans ces échanges, et il le mentionne lui même dans ce film là, et sa femme lui dit à plusieurs reprises, il joue avec le feu, et avec le caractère instable de ces jeunes « gamines ».. Brisseau n’admet pas une « erreur » en tant que tel, mais sait qu’il a joué un jeu dangereux. Il est très lucide et très fin dans son auto-analyse. Enfin Brisseau est un maître dans l’art de filmer l’érotisme. La scène de triolisme lesbien est probablement la plus belle du cinéma. Parce qu’il sait pousser les filles à une simulation parfaite, elles se prêtent tellement au jeu, que l’on ne sait plus si c’est simulé ou explicite. C’est en tout cas très beau, c’est émouvant, c’est esthétiquement parfait. Les dialogues sont superbes, tirés au cordeau, .L’acteur principal Frederic V.D. Driessche est très bon, tellement crédible dans cet autoportrait, juste, impassible un peu passif, et distancié. L’accompagnement du récit par les deux Anges, même si cela n’est pas nouveau ,donne une dimension onirique et fantastique au récit, et le final est original. A noter une très belle bande son originale, musique écrite par Jean Musy qui accompagne parfaitement le récit et rajoute de la profondeur. Une œuvre forte, une œuvre dense.