Amateurs d'hémoglobine, surtout ne ratez pas le début du film. Les personnages principaux ne sont pas encore apparus que déjà nous avons asssisté à un égorgement au rasoir et à une rupture placentaire ; et ce n'est qu'un début, Cronenberg ne reculant pas devant le gore, jusqu'à une scène de corps-à-corps au couteau dans un bain turc qui a soulevé une tempête de rires gênés dans la salle des Champs-Elysées où je suis allé voir le film.
On peut comprendre ce qui a attiré Cronenberg dans cette histoire de Steve Knight, la vision de cette scène rappelant par la violence faite à un corps nu celle de la transmutation dans "La Mouche". Ici, les corps portent les marques de l'histoire des vori v'zakone, ces "voleurs dans la loi", puisque chaque tatouage représente une étape dans leur parcours, depuis les prisons du FSB jusqu'à l'étoile qu'on leur tatoue au cours d'une cérémonie initiatique sur le genou, afin de leur interdire de s'agenouiller devant quiconque.
De même, ce n'est pas étonnant que le moyen d'abattre le parrain de ce clan de la mafia russe de Londres, incarnation du mal absolu, réside dans l'ADN du bébé issue du viol qu'il a fait subir à une gamine de 14 ans, et que Kirill veut confier à la Tamise, Moïse de ces temps barbares.
Mais alors que "A History of Violence", pourtant marqué par la même crudité, réussissait à convaincre, "Les Promesses de l'Ombre", malgré une indéniable virtuosité, ne parvient pas à faire rentrer le spectateur dans ce récit étrangement artificiel ; pire, une gêne s'installe rapidement, devant la description caricaturale, à la limite du racisme, de ces Russes brutaux, dépravés, et forcément alcooliques. Le jeu outrancier de Vincent Cassel n'arrange rien, mais il n'y a pas que ça, et quand le parrain fête dans son restaurant l'anniversaire d'une centenaire, l'accordéoniste chevelu qui roucoule une balade nous fait plus penser à José Garcia dans "Rires et Châtiments" qu'aux personnages de "Little Odessa" ou de "Lord of War".
Certains critiques évoquent déjà le film-culte, à l'égal du "Parrain", de "Sacarface" ou de "Les Affranchis". Même si on retrouve certains ingrédients, comme l'opposition entre le conformisme de la vie de famille et la brutalité extrême des agissements mafieux, on est loin du souffle épique qui traversait ces films. Certes, on est clairement dans un David Cronenberg, avec ses faux-semblants, ses familles contradictoires et ses mutilations ; mais au-delà de ces figures de style, on y cherche en vain l'originalité qui a fait l'intérêt des grands films du réalisateur de "Crash", "eXistenZ" ou "A History of Violence".
http://www.critiquesclunysiennes.com