Je suis allé à reculons voir ce troisième épisode de la saga de Mr Ocean et de ses accolytes Robins des Casinos, tant la critique est unanime à dénoncer la mollesse et l'inintérêt de ce film. Mais l'indigence de la programmation des sorties, et la confidentialité de la distribution des films potentiellement intéressants m'ont poussé vers "Ocean Thirteen". Les reproches en partie justifiés à l'encontre du film sont les mêmes que l'on peut adresser aux divers sequels qui font le gros de la programmation de cette année 2007, avec une prédilection pour le chiffre 3 : perte de l'effet de surprise, empilement des personnages rendant l'intrigue confuse, autocitation devenant pesante.
Du point de vue de la confusion du scénario, ce n'est pas une nouveauté, car elle est consubstantielle à la saga Ocean, et le spectateur doit maintenant être habitué à se laisser porter sans trop chercher à comprendre quels sont les coups fourrés foireux tramés par la bande de Clooney, à l'exception notable du blaireau de la séance de 11 h 15 à l'UGC Maillot qui demandait toutes les trois secondes qui était qui à sa moitié sans doute affaiblie du cornet. Dégagé de l'obligation de rédiger un rapport de gendarmerie daté et circonstancié sur les agissements des pilleurs de casinos, j'ai donc regardé "Ocean Thirteen" comme je ne l'avais pas fait pour les deux précédents : un exercice de style virtuose sur le kitsch de Las Vegas, Jérusalem du capitalisme outrancier. La réalisation de l'auteur de "Sexe, mensonge et vidéo" et de "Bubble" devient elle-même tape-à-l'oeil, à grands coups de travelings optiques, de split screen et de recadrages insistants.
Mais même dans la caricature formelle, Soderbergh reste un grand réalisateur, et le soin mis par le directeur de la photographie Peter Andrews (qui n'est autre que le pseudonyme de Soderbergh) en témoigne ; on sent sa jubilation à passer quelques messages sous-marins dans un film grand public, comme le personnage de Don Cheadle en Mister America motocycliste affublé de la coiffure de James Brown, ou la valorisation de la lutte des travailleurs mexicains.
Et puis, la complicité des acteurs est une nouvelle fois perceptible. Clooney a dit à propos de leurs retrouvailles : "Nous formons un groupe de gens désireux de travailler ensemble le plus souvent possible. Nous partageons la même philosophie à propos de notre métier, à savoir que nous serions vraiment stupides de ne pas y prendre du plaisir et de ne pas mesurer nos privilèges." Ce groupe est prêt à s'agrandir, puisque c'est Al Pacino qui joue le rôle du salaud, et qu'Ellen Barkin qui avait été coupée au montage du 2 peut s'envoyer en l'air avec un Matt Damon Cyrano. Dernière raison de se laisser tenter, et non des moindres, le fait revendiqué haut et fort par Soderbergh et Clooney que les succés de la saga permettent de financer leurs autres films, comme "Syriana", "Good Night, and Good Luck" ou "Bubble".