La complainte mélancolique de Johnny Guitar, voilà comment pourrait se nommer autrement le film de Ray. Bien que le film commence par le personnage principal, celui-ci est petit à petit rangé au rôle de témoin, un homme honnête qui ne veut que retrouver son ancienne compagne, et au fil des évènements il sera obligé de se battre pour atteindre son objectif, essayant de se frayer un chemin de sauvetage parmi les conséquences des actes qu'a commis Vienna. La vraie place est donnée aux méchants et à la lutte contre une femme, qui, par vengeance personnelle, rallie tout une ville à sa cause pour abattre la jeune femme qui lui a pris Dancin' Kid. Les rôles sont inversés à vrai dire dans le groupe de Kid, ce dernier est violent mais exprime des sentiments envers Vienna et son gang va peu à peu se disloquer ( grande interprétation de Borgrine ) et se trahir. Ce qui vient d'un scénario travaillé, à la structure et personnages complexes ; la mise en scène de Ray y participe : l'intérieur du saloon est bâti comme un décor d'opéra, et la musique pour une fois n'est pas une pure orchestration hollywoodienne : elle dévoile toute la tristesse du destin des personnages. La séquence de retrouvailles intimistes entre Vienna et Guitar est particulièrement réussie, grâce au jeu d'acteur, à la musique, à la photographie et aussi au scénario ( Guitar ne pouvant faire face à la réalité, demande à Vienna de lui parler par mensonges pour le rassurer ), s'il y a bien de rares défauts ( une discussion en charette devant un fond de paysage qui défile à 150 km/h ), le film n'en est pas moins efficace, travaillé et solide dans les domaines artistiques et techniques, en faisant un western d'exception.