Bon faut être franc, Agnès Varda c’est avant tout une réalisatrice de documentaire, et du coup ce film a à la fois les atouts du cinéma documentaire de Varda, et ses limites flagrantes dans le registre fictionnel.
C’est sûr, ce film est une plongée intéressante, réaliste et directe dans le milieu des gens de la route (plus que de la rue), avec une approche indéniablement subtile. Les personnages sont crédibles, le propos fort, l’absence de manichéisme ou de caricature est une très bonne chose, le film dégage une vraie authenticité et c’est clairement un atout. En plus le métrage ne possède pas de longueurs intempestives, et se suit avec une certaine fluidité malgré le caractère du film qui aurait vite pu le rendre décousu, tout du moins moins performant. Maintenant il faut être franc aussi : je ne comprends pas pourquoi vouloir être aussi neutre et documentaire, et en même temps faire régulièrement n’importe quoi ! C’est quoi ces infâmes dialogues ? C’est quoi ces seconds rôles amateurs qui débitent leur texte sans aucune crédibilité minimale ? C’est souvent le souci d’engager des amateurs d’ailleurs, on veut faire authentique, mais il joue trop faux et cela fait très artificiel. La différence de niveau en plus entre les acteurs confirmés et les autres est monumentale ! En effet Bonnaire joue très juste, comme souvent (même dans les films pourris elle est la bonne surprise), Méril est honorable, Stéphane Freiss en revanche n’est pas terrible et Yolande Moreau quasi-transparente. Le reste c’est au petit bonheur la chance (et surtout de la malchance !).
Sur la forme Varda ne se force pas. Photographie grisâtre, ambiance de campagne sans le sou des années 80, le film recherche l’authenticité, c’est sûr, mais la mise en scène des plus plate de la réalisatrice n’a aucune allure. On dira la même chose d’une bande son qui pique tant elle est mauvaise. En fait le film peut compter sur ses décors et sa photo pour se doter d’une ambiance (pas déplaisante d’ailleurs), mais je ne comprends pas ces réalisateurs qui s’effacent complètement, ne parvenant jamais à transmettre. Si on fait une œuvre d’art plutôt qu’un documentaire, c’est justement pour aller au-delà de la platitude formelle, de l’objectivité visuelle.
En clair Sans toit ni loi est intelligent dans son refus des clichés sur son sujet, est séduisant pour son actrice principale, toujours d’une grande justesse et doté d’un personnage qui ne manque pas de relief, l’ambiance assez morne de campagne pourra aussi séduire, mais alors en face il y a des loupés très pénibles. L’introduction du film à mon sens le résume bien : de la force, c’est manifeste, mais alors des maladresses ou des choix contradictoires très pénibles. 2.5