Polar sérieux ou grosse farce ? On ne sait que choisir avec "Frenzy", considéré comme le dernier Hitchock majeur, et son avant-dernière réalisation. Car si l'intrigue du film est sordide, sur fond du tueur en série violeur et étrangleur, le scénario est bourré d'un humour noir des plus délectables !
"Frenzy" prouve ainsi qu'à près de 73 ans, le célèbre réalisateur savait encore surprendre. Sur la forme également, avec de nombreuses trouvailles.
Un traveling introductif qui descend sur la tamise, passe à travers Tower Bridge, puis se concentre sur une foule. Une prouesse technique à l'époque, mais si elle est aujourd'hui presque rendue caduque par les drones caméra. Et un gros clin d'oeil au fait qu'Hitchcock était de retour à Londres après un long séjour aux USA.
Un meurtre des plus graphiques, ne lésinant pas sur la nudité, une première chez le réalisateur (s'il on excepte la douche de "Psycho"). Et cette deuxième séquence de meurtre en traveling hors champ, contraposée osée du précédent !
Le tout emballé dans une intrigue qui reprend le concept cher au réalisateur de l'homme innocent que tout accable, et qui doit fuir la justice. Quelques scènes à suspense, mais surtout, comme je le disais beaucoup d'humour. En particulier toutes les séquences avec les policiers "typical british", à la moustache et au flegme qui tranchent complètement avec l'ambiance crasseuse des meurtres.
Néanmoins, "Frenzy" se veut aussi sérieux dans son fond, pointant le risque d'erreur judiciaire lorsque l'on accuse sur la base de preuves circonstancielles et de préjugés. La méthode du tueur fait d'ailleurs fortement écho à celle de John Christie, célèbre tueur en série à l'origine d'une énorme erreur judiciaire, qui conduisit le Royaume-Uni a abolir la peine de mort. John Christie, traité par Richard Fleischer dans "10 Rillington Place"... et mentionné explicitement par un personnage secondaire dans les premières minutes de "Frenzy" !
Côté acteur, Hitchcock s'appuie sur des comédiens peu connus. Le faciès innocent d'Anna Massey, déjà vue dans "Peeping Tom" de Michael Powell. Jon Finch, très convaincant et fin en homme trouble injustement pourchassé (il sortait du tournage de "Macbeth" verson Polanski). Et Barry Foster en assassin crapuleux (son identité est dévoilée très vite). Détail amusant, l'acteur a un air insolent à la Michael Caine, or Caine avait justement été approché par Hitchcock pour incarner ce rôle, mais le refusa.
Un beau (presque) dernier pour la route.