Ce film de Truffaut boudé par la critique à sa sortie est devenu avec le temps un de ses films cultes… Cette histoire d’adultère, même si classique, mérite pleinement de figurer parmi le tout meilleur de sa filmographie du fait de la précision quasi entomologique du regard porté sur cette relation. Belle condamnation de la lâcheté un peu molle d’un bourgeois ; mais sans jugement ; Truffaut parvient à instiller le juste crescendo de la tension créée chez les trois protagonistes par une relation adultérine.
Un bloggeur dissèque de manière très juste ce film : « De façon pour le moins paradoxale, La Peau douce est à la fois l’un des plus beaux films de François Truffaut et l’un des moins vus. C’est en tout cas celui où il a le mieux concrétisé dans sa propre pratique de cinéaste le principe qu’il avait relevé chez Hitchcock : “Filmer les scènes d’amour comme des meurtres et les meurtres comme des scènes d’amour.”
Prenant à son compte la situation archi-éculée et quasi boulevardière mettant aux prises un homme, son épouse et sa maîtresse, Truffaut va filmer cette histoire de passion brève et violente comme un thriller du quotidien, un déséquilibre mental dans une existence bourgeoise bien ordonnée, s’attachant particulièrement aux détails et à la façon dont ceux-ci sont amplifiés dans l’imagination de Lachenay, son héros ordinaire.
Les premiers regards entre les amants, leur rencontre fortuite dans un ascenseur d’hôtel, les étages qui défilent, les clés que l’on confond involontairement, l’importance que prend soudain le téléphone dans la vie d’un couple adultère, le choix entre robe ou jeans, rien n’échappe à la caméra scrutatrice adoptant le point de vue obsessionnel de son banal personnage masculin. L’important devient accessoire (le travail, la famille…), l’accessoire devient essentiel, amplifié par l’état amoureux et adultérin.
Truffaut saisit magnifiquement cet incertain état de flottement par les inserts, la dilatation d’instants creux, le travail de retranchement ou d’exacerbation sonore, ou encore en situant une partie du film dans ce lieu de transit par excellence qu’est l’aéroport.
Là où le film devient définitivement hitchcockien, c’est dans sa façon de créer le suspens sentimentalo-conjugal en injectant dans cette histoire d’amour un prégnant sentiment de culpabilité. Sentiment qui atteint des sommets de tension (et de drôlerie, grâce à Daniel Ceccaldi) dans la séquence rémoise, quand Lachenay se rend à une conférence en province, simple prétexte pour emmener Nicole en week-end. Lequel vire évidemment au cauchemar, chaque relation de Lachenay, chaque portier d’hôtel devenant un indic potentiel, la petite ville de province une prison, Lachenay un coupable traqué et Nicole une personne invisible. La Peau douce est aussi ce film où les lumières s’allument et s’éteignent, chaque pression d’interrupteur claquant comme un coup de feu…
Envisagé comme un projet rapide en attendant de pouvoir se lancer dans Fahrenheit 451, La Peau douce est aussi un film à forte teneur autobiographique, tourné dans le propre appartement de Truffaut quelques semaines après une crise conjugale entre lui et sa femme Madeleine, quelques mois avant leur séparation définitive.
Témoin de la vision truffaldienne du couple à cette époque, le film comporte de nombreux détails très personnels, notamment tout ce qui se rapporte aux jambes, aux bas et aux jarretelles (obsessions légendaires du cinéaste) de Françoise Dorléac/Nicole…….. Film de la double vie et de l’impasse du couple, du suspens adultérin et conjugal, des instants volés et des amours en transit »
Un indispensable de Truffaut