Déjà à l'époque de Blanche-Neige et les Sept Nains dans les années 30, Walt Disney avait la volonté d'adapter en long métrage d'animation le conte universel et intemporel de La Belle et la Bête. Mais n'ayant pas trouver la meilleure façon pour traiter le projet, celui-ci fut mis en suspens avant de sortir finalement du tiroir des décennies plus tard, à l'aube des années 90. Une période cruciale pour les studios Disney qui se devaient de continuer sur leur lancée après le vif succès rencontré avec La Petite Sirène, vécu comme un second souffle pour la firme. Un défi de taille donc qui eu bien du mal à se mettre sur les rails, les premiers mois de travaux ayant été totalement rejeté. Le projet va finalement connaître un essor avec le remaniement de l'équipe du film, et sur la volonté de considérer la musique comme un véritable élément central du récit, chaque chansons contribuant à l'approfondissement et à l'avancée du scénario. Ainsi, après La Petite Sirène, la collaboration entre le parolier Howard Ashman, décédé avant la fin du projet, et le compositeur Alan Menken fait à nouveau de jolies étincelles. De l'inoubliable et romantique "Histoire Éternelle", à la douce et révélatrice "Je ne savais pas" en passant par l'entraînante "C'est la Fête", le long-métrage nous offre des numéros musicaux juteux, digne des comédies musicales de Brodway. On retiendra également certains thèmes musicaux envoûtants, comme celui accompagnant le prologue, lui-même magnifique et inspiré, illustré non pas comme à l'ordinaire par les pages d'un livre, mais par les vitraux éclatants du château de la Bête. Un château qui nous apparaît dans un premier temps, ainsi qu'aux yeux de Belle, comme hostile, sombre et inhospitalié, à l'image du maître des lieux d'ailleurs. Caractériel et colérique, on découvrir au fil des bobines en la Bête un personnage torturé, désespéré à l'idée de rester enfermer dans ce corps inhumain pour l'éternité. Un personnage tragique comme on en voit finalement peu chez Disney, car punit par son égoïsme et son manque de compassion, ce sont ces vieux démons qu'il va devoir combattre s'il veut espérer avoir une chance de conjurer le sort. Ainsi, d'abord effrayant et hargneux, il va finir par s'adoucir au contact de Belle, attendrissant et amusant le spectateur lors de ses efforts, parfois maladroits, pour charmer la demoiselle. Il faut dire que la dame a du caractère, car dans la lignée d'Ariel, Belle est une héroïne active, cultivée, jolie mais pas superficielle, influençant sa propre destinée, ne se contentant pas d'être une victime comme ce fut le cas avec Blanche-Neige ou Aurore. Plus contemporaine que ses dernières, Belle est certes rêveuse mais moins naïve, ne succombant pas aux avances du premier bellâtre venu, à savoir ici Gaston, un méchant Disney assez unique car physiquement séduisant, mais d'un caractère frimeur, fourbe et d'un machisme détestable. Son opposition avec la Bête, qui s'est révélé emprunt de gentillesse et de bonté, est clairement tranchée, participant à la morale, certes tout indiquée mais parfaitement amenée, du livre que l'on ne doit pas juger à sa couverture. Belle elle, l'a bien compris, et c'est avec douceur, mais aussi un peu d'aventures et d'humour, que l'on assiste à la naissance improbable de cet amour atypique, qui touche et marque le spectateur par sa sincérité, sa tendresse, et sa magie. On regretterait presque que la Bête finisse par retrouver apparence humaine, tant la force de leur lien unique y perd un peu de son charme. Il serait par ailleurs dommage de ne pas évoquer les personnages secondaires qui ont participé au rapprochement des deux amants, à savoir les domestiques du château, eux aussi victimes du sortilège et condamnés à vivre sous forme d'objets animés. Entremetteurs et drôles, ils apportent de la légèreté au long-métrage, que ce soit Lumière, le maître d'hôtel jovial et charmeur, Big Ben, le régisseur nerveux et stressé, la gouvernante Mrs. Samovar, douce et maternelle, ou le tout mignon et innocent Zip. Le travail des animateurs sur ces personnages est remarquable, parvenant à insuffler l'humanité nécessaire à ces objets vivants. Une qualité d'animation qui se retrouve d'ailleurs pour l'ensemble du long-métrage, avec des couleurs chaleureuses, des décors à la française dessinés avec détails et finesse, des graphismes formidables, appuyés par le système Computer Animation Production System (CAPS), sans qui certaines scènes n'auraient pu être ce qu'elles sont, en particulier celle de la danse. Une scène mythique qui a su faire valser le coeur et marquer les mémoires de millions de spectateurs, à l'image d'un film drôle, trépidant, romantique et attachant, qui a su s'imposer comme une véritable pièce majeure de ce qui fut le second âge d'or des studios Disney, et plus généralement dans l'histoire de l'animation.