A chaque film de Malick, j’essaye de me réconcilier (de me concilier plutôt) avec son cinéma, mon erreur aura été de ne pas chercher dans ses premiers films plus tôt. A l’époque où il n’était pas encore proclamé génie. Avec les Moissons du ciel, j’arrive enfin à le considérer comme tel.
Si loin de la prétention accablante de ses derniers films -en particulier The Tree of Life et A la merveille-, Les Moissons du Ciel montre à quel point ces deux films sont des parodies de ce qu’il à pu réaliser : la splendeur des plans de paysages, les caméras aériennes, la volonté de montrer pas sa mise en scène une cohabitation entre la nature, les animaux et les hommes malmenée, l’atomisation de la narration par des ellipses et un montage poétique récurent.
Ses deux derniers films cherchaient à capter une métaphore de la vie, de l’amour, par une successions de symboles, de plans-métaphores, Les Moissons de Ciel vise plus bas et touche infiniment plus haut, les métaphores sont à l’échelle du film et non du plan. Elles sont émouvantes, sincères, justes, quand The Tree of Life est anecdotique, enfantin, auto-satisfait.
Sous couvert d’un mélodrame dans un Texas tantôt tourbillonnant de blé, de fumée, de feu, (et de sauterelles) tantôt calme, fluide, Malick signe un film ou le lyrisme côtoie la violence, celle du travail à la chaine dans une Amérique profonde, celle de la transformation de la terre par l’homme et celle de la nature qui reprend ses droits, celle de l’amour décu, trompé par l’ambition, celle de la vengeance et celle du regret. Un Southern Gothic, lyrique au plus haut point, magnifiant ces étendues de blé comme ces couples rompus, qui, sans cesse évoluent.
La voix off, est ici un fil conducteur, elle nous guide entre les plans, nous amène aux quelques séquences narratives et dialoguées mais jamais bavardes, loin du mutisme d’A la merveille, loin des voix off puritaines pseudo-métaphysiciennes de The Tree of Life. Il nous montre une fois de plus son amour pour les belles femmes qui gambadent, sans confiner au ridicule cette fois, au contraire, Brooke Adams, dévastée ou exaltée est envoutante.
Les Moissons du ciel, réalisé, filmé et interprété avec virtuosité, prouvent que Malick avait énormément à offrir quand son statut de génie était encore à faire, et je meurs d’impatience de passer à nouveau quelques heures devant l’un de ses (premiers) films.