Certains critiques ce film en disant qu’ils n’ont pas eu peur, mais franchement, je ne crois pas qu’il y ait un film des années 30 qui aujourd’hui fasse peur, et malgré le monologue d’ouverture, je ne crois pas que ce film soit franchement un film d’épouvante. On est plus dans un film fantastique (et encore), avec pour fond la dure adaptation d’une créature au monde qui l’entoure.
Pour moi le film a un raté au niveau scénaristique, c’est le coup du cerveau de criminel. Car du coup on se demande si les actes qu’il commet son lié à cela, ou à cette interaction maladroite avec le monde, vu qu’il ne le connait pas et qu’il n’a pas forcément conscience de sa force. J’ai le sentiment que c’est cette deuxième option qui est privilégié dans l’intrigue (la noyade, plus accidentelle finalement), et du coup j’ai du mal à voir l’utilité de ce cerveau de criminel. A l’inverse, si le film montre un criminel, alors ça retire pas mal de substance au film, puisqu’on assiste limite à un slasher dans ce cas ! Néanmoins, ce détail mis à part et un petit manque de force générale, notamment car le film est un peu court et peine à développer certaines choses (le personnage de Frankenstein par exemple), le film est tout à fait plaisant à suivre. L’histoire est efficace, le récit bien mené, et surtout il y a quelques scènes fortes qui même encore aujourd’hui sont assez rares au cinéma (la noyade) et font leur effet. Frankenstein est un film qui se veut graphique, et en cela il a sans doute moins vieilli que pas mal de films concurrents de l’époque.
Visuellement c’est là où le film reste le plus séduisant. S’il y a des défauts sur le fond, en revanche entre le noir et blanc magnifique de contraste, la mise en scène très réussie qui ménage quelques séquences spectaculaires (le moulin), et les décors excentriques, Frankenstein est un métrage tout à fait attractif qui conserve son impact visuel. Ce n’est pas pour rien d’ailleurs si ce métrage a surtout marqué les esprits en imposant des archétypes (la scène du moulin reprise dans Van Helsing, le personnage de Frankenstein souvent copié dans des adaptations postérieures, les décors du laboratoire…). Le métrage impose une esthétique forte, et Whale signe un très bon travail formel, le tout accompagné d’une bande son très classique de l’époque, mais assez dramatique pour convaincre.
Le casting est peut-être un peu inégal. Boris Karloff campe très bien la créature, mais c’est vrai qu’on aurait pu espérer des autres personnages qu’ils soient plus creusés. C’est là où la durée courte du film lui est préjudiciable, car malgré des acteurs corrects, spécialement un très bon Edward Van Sloan, et solide John Boles, est un Colin Clive investi dans son personnage (Mae Clarke héritant en revanche d’un personnage féminin sans grande saveur), les rôles sont assez peu dégrossis. Le métrage n’a pas trop le temps de leur donner l’épaisseur voulue. Sans être très problématique, c’est un peu dommage tout de même.
Enfin, pour ma part Frankenstein reste un très bon film de genre, et je comprends qu’il ait retenu l’attention à l’époque de sa sortie. C’est surtout un vrai film de cinéma, dans le sens où le réalisateur a conscience de l’impact de l’image, et il construit un film très graphique apte à marquer les esprits. Cela ne fait pas complètement oublier quelques lacunes de fond, mais il serait malvenu de dire que ce n’est pas une réussite des années 30, sans dire qu’on touche au sommet du genre. 4