Deux précisions : d'abord, cette critique contient énormément de spoilers. Ensuite, est critiquée ici la version longue, qui contient 28 minutes de scènes additionnelles.
''Abyss'' est le quatrième film de James Cameron et demeure, encore aujourd'hui, le seul échec commercial pour un de ses films de fiction. Mettant en scène Ed Harris et Mary Elizabeth Mastrantonio (qui bizarrement n'a pas fait carrière), ''Abyss'' demeure le meilleur film de son metteur-en-scène, lequel coulera à pic le temps d'un ''Titanic'' en 1997.
Le film semble débuter comme un film catastrophe : un sous-marin nucléaire américain coule après avoir fait la rencontre d'un OSNI (objet sous-marin non identifié). Une équipe d'une plate-forme de forage pétrolier et un commando de la SEAL en portant secours aux hypothétiques survivants vont alors découvrir, au fond des abysses, une étrange et mystérieuse espèce.
Avant d'en venir aux fameux effets spéciaux d' ''Abyss'', il faut d'abord parler du scénario. Ce qu'il y a de prodigieux avec ce film, c'est qu'il opère un véritable basculement dans son récit. Ce point semble être l'une des caractéristiques des films de James Cameron. Comme on le verra plus tard (et en beaucoup plus lourdingue) avec ''Titanic'', ''Abyss'' surprend par un changement de ton qui s'opère vers le mileu du film. Ainsi, on peut aisément distinguer les différentes parties qui constituent ''Abyss''. La première heure correspond bien à un film catastrophe. L'équipe de sauvetage rejoint le sous-marin sans encombre et commence à l'explorer. Une nouvelle catastrophe arrive : la grue qui reliait la plate-forme à la surface s'effondre sous le choc d'une tempête. L'équipe se retrouve alors prisonnière des abysses, menacée par le manque d'oxygène. Chose curieuse : Cameron amène la catastrophe rapidemment ce qui nous amène à douter : ''Abyss'' est-il vraiment un film fantastique ? Comment se fait-il que sur un film de 2h40, la catastrophe arrive en moins d'1h ? Habituellement, ce genre de film est la plupart du temps lent, commençant par une partie où il ne se passe pas grand chose, avant que tout disjoncte. Exemple avec ''Aliens'' (1986), le précédent film de Cameron. Le film ne gagnait en vitesse et ne s'emballait qu'au bout d'une longue heure. Et là avec ''Abyss''., beaucoup de chose se passe en une heure. Comme si Cameron voulait se débarasser rapidemment de la catastrophe. Et en effet, la suite du film vient confirmer cela : ''Abyss'' n'est pas un film catastrophe. Le film, de manière incroyable (quand on voit le contexte) va basculer dans de la science-fiction quasi féerique. La cause ? La découverte, merveilleuse et mystérieuse de créatures bioluminescentes. Créatures qui, loin d'être monstrueuses (Cameron aurait pu faire basculer son film dans l'horreur) sont au contraire merveilleusement lumineuses et apaisantes. Soudain, le temps d'une demi-heure (on est environ à une heure et demi de film), le calme se fait chez les survivants et les spectateurs, tous fascinés par ceux qu'ils ont vus. La chose la plus incroyable, c'est la manière dont Cameron parvient totalement à exorciser la moindre idée de mort dans cette demi-heure. L'équipe menée par Bud (Ed Harris) semble oublier que la mort lui pend au nez et ne pense plus à cet enfer aquatique, mais au contraire ce qui semble le dompter : ces créatures sans doute extraterrestres. Mais n'oublions pas qu' ''Abyss'' est aussi un blockbuster et qu'il faut donc de l'action. On va en effet assister à l'affrontement entre Bud et sa femme Lindsey, face à Coffey, un militaire voulant détruire cette créature à l'aide d'une ogive nucléaire. Et cette affrontement ne dure... qu'une demi-heure ! On est alors en plein film d'action écologique où l'homme doit être stoppé dans ses entreprises dévastatrices. Car Bud va tout faire pour contrecarrer les plans de Coffey... jusqu'à, enfin, dans une dernière demi-heure, descendre seul au plus profond des abysses pour désamorcer l'ogive. C'est dans cette quatrième partie (découpage personnel, cette partie commence selon moi après la ''résurection'' de Lindsey) que Bud va découvrir les créatures et comprendre ce qu'elles veulent vraiment (je m'arrête là). On l'aura compris, le scénario est pertinent de par les thèmatiques abordées, mais surtout de par son enchaînement de péripéties. Les quatre parties dégagées se suivent de manière cohérente, fluide, sans jamais se contredire. Et c'est ce qui n'ira pas avec ''Titanic''. Pourquoi cela ? Et bien, outre le fait que ''Titanic'' soit un film raté à l'intérieur même de chaque partie (l'histoire d'amour et la catastrophe), c'est un film raté à cause du passage d'une partie à l'autre. Les deux parties de ''Titanic'' sont antinomiques là où ''Abyss'' enchaîne subtilement les séquences clés.
Le scénario est beau et malin. Mais qu'en est-il de la mise en image ? Sans surprise les effets visuels sont fabuleux (et alors inédit, ce film est le premier à utiliser des effets spéciaux sur des liquides) : James Cameron a un sens pour cela. Mais le plus réussi, c'est que Cameron, et à travers son scénario et surtout à travers sa mise en scène oscille constamment entre réalisme et surnaturel. Ainsi, nous ne sommes pas (comme dans ''Titanic'' et sa reconstitution ultra-fidèle du bateau) dans un film réaliste (en témoigne l'aspect complètement fantasmé et rêveur des extraterrestres) mais nous ne sommes pas non plus (comme dans ''Avatar'' et sa faune et sa flore extravagante) dans un film de pure science-fiction (le film se passe sur notre bonne vieille terre bleue, à notre bonne vieille époque). En surfant sur cette frontière, Cameron réalise un film au climat unique, par moment presque ''planant''. Cela est particulièrement flagrant lors que Cameron filme ce ballet de sous-marin, à l'instar d'un Stanley Kubrick qui filme une véritable danse de vaisseaux spatiaux dans ''2001, l'Odyssée de l'espace'' (1968). ''2001, l'Odyssée de l'espace'' est d'ailleurs un film auquel on pense parfois. Par ses bruitage (respiration sous l'eau ou dans l'espace), sa mise en scène et aussi son scénario (l'affrontement Bud/ Coffey, suivi de la découverte des extraterrestres au fin fond des abysses nous remémore l'affrontement Dave/ Hal-9000, suivi de la découverte du monolithe noir au fin fond de l'espace) ''Abyss'' peut être vu comme le ''2001...'' sous-marin. On oublie d'ailleurs -preuve de l'immersion totale du film- que nous nous trouvons dans les profondeurs : au fond, quelle différence entre les abysses et l'espace ? Au cinéma, les deux semblent aisément se confondre.
''Abyss'' est en conclusion un formidable film, guidé entièrement par la notion de contraste. Contraste entre la catastrophe de départ et le calme de la suite. Contraste entre un certain réalisme et une certaine forme de s-f. Contraste enfin entre ce que l'homme peut avoir de meilleur et de pire. Fort bien joué (Ed Harris, qui brille dans les rôles de ''méchant'' apporte un charisme absolu à son personnage, en dérogeant à la règle du héros beau gosse, chère à Hollywood), avec quelques petits défauts (le méchant un peu trop caricaturé par exemple), ''Abyss'' est, en tout cas l'un des meilleurs blockbusters de tous les temps (et écolo en plus). Et la lumière, inoubliable des aliens s'imprime à jamais sur la rétine du spectateur.