Il est vrai que "Festen" n'est pas un joyau de mise en scène. Mais au fond ce sont les règles du Dogme95, mouvement dont Thomas Vinterberg est un des co-fondateurs avec le célèbre Lars von Trier, qui veulent cela. Ce manifeste cinématographique écrit par les deux réalisateurs danois impose à ses auteurs de ne plus résonner en tant qu'artiste essayant de créer une œuvre personnelle, et de faire fi de tout bon goût ou considération esthétique (un éclairage spécial de cinéma n'est pas accepté, aucun traitement optique ne doit être réalisé, la caméra doit toujours être portée à l'épaule, aucune musique additionnelle ne doit être ajoutée, les décors doivent être naturels, le son doit être effectué en prise direct), afin de privilégier le fait de saisir l'instant, le réel qui en émane, de mettre en avant la psychologie des personnages, et de puiser la force et l'intensité des films au cœur même des situations, sans le moindre effet.
C'est donc pour cela que, comme je le disais en début de paragraphe précédent, "Festen" n'est pas un film qui prévaut de par sa mise en scène, totalement brute de décoffrage et dénuée du plus petit artifice. On peut ainsi avoir du mal à accrocher dans un premier temps, tant l'aspect de son cadrage et de sa photographie parait rudimentaire. Puis, on s'habitue rapidement à la méthode radicale de réalisation du Dogme95, les situations de ce long-métrage scandinave étant si puissantes et saisissantes. Le grand repas d'une tranquille famille bourgeoise est totalement troublé par la révélation de vertigineux secrets, qui vont entrainer règlements de compte froids et mordants, hypocrisies et refus de faire face à la réalité des choses, batailles psychologiques pour gagner sa place auprès des siens et chasser ceux que l'on juge être des imposteurs, crises d'hystéries collectives, j'en passe et des meilleurs. Ce portrait de famille dessiné au vitriol est des plus acerbes. Malgré les codes de mise en scène évoqués plus haut, la grande force du film réside en la puissance de ses interprètes, tous excellents dans des rôles pourtant difficiles, en la qualité des joutes verbales et psychanalytiques de son scénario qui rythme le tout, en quelques bonnes trouvailles visuelles, et en son montage affuté comme un couteau de cuisine.
Ce drame se déroulant dans le huis-clos de la demeure familiale, au passage non dénué d'un certain humour bien corrosif, ressemble à s'y méprendre à une tragédie grecque, avec ses protagonistes devant affronter leur for intérieur et combattre de troublants secrets de famille pour gagner leurs places.
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