Dans les conditions du Dogma 95, style créé par Thomas Vinterberg et Lars von Trier qui allait inspirer tant de films ensuite, et terriblement opportun pour l’occasion, nous voici invités aux 60 ans du chef d’une famille de la noblesse danoise, dans leur immense demeure, au milieu de tous leurs amis bourgeois encostumés, anciens complices d’affaires et vieille garde générationnelle à l’appui.
Caméra sur l’épaule, dans le strict instant présent, sans musique ni accessoire qui n’appartienne déjà au décor naturel, on accompagne la sœur et les deux frères, différents mais visiblement instables, perturbés, et progéniture restante du patriarche à l‘autorité d’acier, après le récent suicide d’une autre sœur. Autour d’une mêlée aristocrate bien éméchée, une mère obsédée jusqu’au dramatiquement ridicule par la bienséance et l’image du clan, l’évolution improvisée de la fratrie les amènera, chacun à sa façon, à la mise à mort publique du despote paternel à la puissance chancelante.
Tiraillés, pressurisés, dépersonnalisés, incroyables d‘authenticité, de courage et de pitoyable soumission palpable d’anciens enfants névrosés, les trois protagonistes devront surmonter leurs tremblements et leurs dénis, à l’instar de leur sœur morte, crever les abcès qui les aliènent depuis si longtemps, et à l’occasion de cette arène improvisée, tenter de renaitre en bouleversant irréversiblement leurs sorts et celui de leur famille.
Cette gifle époustouflante de réalisme, de douleur non dite, de génie de la simplicité intime, raconte un inoubliable drame familial, exhibe la torture à perpétuité de certaines victimes, et dénonce surtout l’hypocrisie criminelle des vices en principe si bien hermétiques dans une classe sociale décadente qui interdit le scandale.