Force est de dire que Miyazaki est capable, tout en utilisant les mêmes ingrédients, de faire varier la recette. Ponyo sur la falaise reprend les nombreuses thématiques abordées par le réalisateur dans ces précédents films comme Nausicaa ou Mononoké mais nous offre ici un spectacle beaucoup plus simple et enfantin, dans la lignée de Totoro. D'emblée disons le, cela est moins fort car Miyazaki entre dans une sorte de systématisme qui n'arrive pas toujours ici à trouver un juste milieu entre simplicité et complexité. Tout l'aspect grandiose et spectaculaire de l'oeuvre est assez raté, alors que Miyazaki est ici un génie de la simplicité.
Pour autant, Ponyo sur la falaise a également un mérite moral. Je le vois (et on peut me le contester) comme une parfaite initiation à la pensée de Miyazaki, à distribuer aux plus jeunes. On y retrouve les grandes lignes de la vision morale du réalisateur, exprimée de façon générale mais complète. Ainsi, ce qui me frappe encore, c'est l'absence de manichéisme dans son oeuvre, l'idée qu'il y a du bien et du mal dans tout, qu'il faut trouver le meilleur compromis et que celui-ci passe avant tout en écoutant et en aimant l'autre. Fujimoto représente un temps la figure du mal dans l'oeuvre, enfermant la petite Ponyo dans son habitat. On comprend par la suite ses raisons, son dégoût du monde humain et ses angoisses justifiées, un monde humain qui se construit en opposition avec celui de la mer. La mer souffre et le seul moyen envisagé un temps pour survivre est l'affrontement. Mais peut-on en vouloir aux humains? Ici, les autres oeuvres de Miyazaki peuvent nous aider à compléter la vision. Peut-on en vouloir à ces "travailleurs" de la mer, aux conditions de vie si dures, ou aux humains en général, dont certains sont remplies d'amour?
Il y a dans Ponyo sur la falaise deux aspects en un, un qui m'a convaincu, l'autre moins. Il y a clairement deux grandeurs dans le film : le sens du petit ou de l'enfance, et celui de la grandeur ou de la nature. Le premier est de loin le plus réussit. Je commence par le second pour finir ensuite sur une note positive. Le nouveau dessin animé de Miyazaki est enfantin, il ne pouvait pas par conséquent développe une nature trop complexe dans son fonctionnement ou dans ses sentiments. Miyazaki, reprenant ici le thème de Mononoké, n'a pas réussit à transposer la partie formelle de son oeuvre maîtresse. Le final grandiose de la nature reprenant ses droits dans Mononoké, est ici assez faible. La "Mère" de la mer est très cliché, sa grandeur n'a pas vraiment de sens, son aspect maternel a des contours simples. L’océan profond, immense, ou le monde engloutit n'est pas particulièrement beau ni impressionnant, souvent vain même, sans force symbolique. Clairement, Miyazaki a vu trop grand là où le petit est largement suffisant.
C'est donc le monde du petit et de l'enfance qui nous émerveille. Nous aimons la naïveté de Ponyo, l'amour sincère de Sosuke pour son entourage, leur émerveillement des choses banales, ou peu spectaculaire, comme Sosuke qui n'a presque rien a faire du monde engloutit sous les eaux, ou des vagues immenses avec des yeux, mais qui s’émerveillera volontiers de voir Ponyo aimer le jambon ou de voir des crabes et des poissons à la terrasse de sa maison. C'est la sincérité de ces personnages, leur naïveté qui est très bien représenté. Miyazaki se rate sur la grandiose, mais montre qu'il a parfaitement compris les comportements des enfants, il saisit toute la beauté de leur étonnement.
On abandonnera donc la fin et les passages spectaculaires pour pleinement profiter de la naïveté de nos deux petits héros, qui quand ils aiment les choses simples, nous touchent énormément. C'est d'ailleurs ce pan qu'il faut privilégier, comme le souligne la superbe réalisation entre pastel et aquarelle, aux contours très simples et naïfs, encore une fois très touchante quand elle reste dans la simplicité. Pour conclure et le répéter une dernière fois, il est dommage que Miyazaki est fait de mauvais choix, s'astreignant presque à faire une réalisation systématique, avec des passages qu'il pense obligés. Car dans le monde de l'enfance, Miyazaki a tout compris lorsqu'il abandonne le monde du spectaculaire pour nous émerveiller avec la simplicité. C'est ici que ce dernier film tape très fort.